Boulevard Victor-Tuby, l’enchanteur du Suquet
En se promenant en ville, notre regard rencontre souvent les noms de rues sans s’y arrêter. Certains honorent la mémoire de Cannois, notables ou simples habitants. Ils ne sont pas tous d’illustres personnages aux yeux de l’histoire, ministres, tsars ou maréchaux de France, mais la ville s’en souvient encore. Ce sont des commerçants installés au coeur de la ville et qui, en arrière-boutique, organisaient la Résistance contre l’occupant allemand. Ce sont des artistes qui, par leur esprit rieur et leur générosité, surent illuminer les jours de leurs voisins. C’est un instituteur ou un inspecteur dont la mort a marqué les esprits. À la manière d’une visite guidée, Nice-Matin revient chaque lundi sur la vie de ceux qui portèrent ces noms immortalisés dans une série de portraits.
Vous connaissez peutêtre le boulevard Victor Tuby, qui permet aux malins de contourner les feux rouges de la voie rapide, entre le pont des Suisses et le commissariat. Et vous avez certainement déjà lu le nom de Tuby à plusieurs occasions à Cannes. Car bien d’autres endroits remarquables de la ville nous rappellent tous
les jours à la mémoire de ce bienfaiteur. Victor Tuby aimait les arts. Jeune étudiant en droit, il s’arrangea pour faire les Beaux-Arts en parallèle. Un siècle plus tard, l’on peut observer ses monuments, en promenade le long du square Mistral, en visite au cimetière du Grand Jas, de passage par la place centrale de La Bocca ou dans le
square Pietra Santa au Cannet (blessé lui-même à la Première guerre, il s’attela à plusieurs monuments aux morts). La légende veut même que l’auteur des sculptures grandioses de Versailles, JeanBaptiste Tubi, soit son ancêtre…
Le moulin Forville
Mais la pierre n’est pas le seul témoignage que Victor Tuby laissa à la postérité. Sa demeure, un ancien moulin à huile donnant sur l’actuel boulevard Victor Tuby, est restée presque inchangée depuis la mort de son épouse en 1975. Elle porte peut-être l’empreinte la plus évidente de sa personnalité généreuse et éclectique. Sa silhouette était connue de tous : longue barbe grise, chapeau de feutre, guêtres et grande cape. Un Cannois de 90 ans raconte encore aujourd’hui comment, tous les jeudis (anciennement jour de repos scolaire), Tuby invitait les enfants à goûter. « Son épouse et lui n’avaient pas d’enfants. Ils faisaient le bien autour d’eux, ils aimaient avoir de la jeunesse », raconte Geneviève Mougins de Bustos, secrétaire de l’association des Amis du moulin Forville. Herboriste autodidacte, Victor Tuby allait cueillir des plantes sauvages dans sa voiture Rosengart pour soigner les voisins et tous les visiteurs qui le lui demandaient.
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