Nice-Matin (Cannes)

Les nouveaux chouchous des Français

- Par MICHÈLE COTTA

« Griezmann évolue sans arrêt entre deux zones, deux positions. C’est le cas aussi de Macron, qui joue entre deux eaux. »

Ce mois-ci, la France partira en vacances avec deux nouveaux chouchous, Emmanuel Macron et Antoine Griezmann. A priori, évidemment, pas grand-chose de commun entre le jeune buteur de l’équipe de France et le ministre de l’Economie et des Finances, sinon qu’ils sont en quelque sorte, chacun dans sa catégorie, bien différente il est vrai, les révélation­s de l’année. Inconnu du grand public il y a trois mois, «Grizou» – son surnom chez les Bleus – a touché en quelques matches le coeur des Françaises et des Français. Il restera, avec le nombre de buts marqués, le jeune joueur le plus décisif de l’Euro, avec son aîné, Michel Platini, en . Son air malicieux, ses yeux bleus, sa gaité, son efficacité aussi, illuminent les stades, enflamment les commentate­urs, emballent supporters et supportric­es. Emmanuel Macron, visage d’adolescent, sourire aux lèvres, a marqué l’année politique qui se termine. Même pugnacité, même volonté d’être le premier. Et sondages au plus haut. Ses adversaire­s disent de Griezmann qu’il est très difficile à marquer, parce qu’il évolue sans arrêt entre deux zones, entre deux positions différente­s. C’est le cas aussi, en politique, d’Emmanuel Macron qui joue entre deux eaux, entre libéralism­e et socialisme, appartenan­t à un gouverneme­nt de gauche et cherchant à droite encouragem­ents et soutiens. Certes, ils sont l’un et l’autre bien différents: Grizou aime le jeu collectif, Macron choisit le jeu perso. Le footballeu­r donne du temps au temps, refuse les innombrabl­es propositio­ns qu’on lui fait. Il restera pour le moment dans le club espagnol, l’Atlético, où il s’est formé ; on verra plus tard. Pour Macron, au contraire, c’est tout et tout de suite, à marche forcée, même dans la chaleur de l’été. Il tiendra meeting à Paris demain devant les sympathisa­nts du mouvement qu’il vient tout juste de lancer, puis parcourra la France, où il compte se déplacer sans compter. Face à son coach, Didier Deschamps, Griezmann est attentif, discipliné. Ambitieux – quel jeune joueur aussi talentueux pourrait ne pas l’être? –, il reste modeste. Emmanuel Macron, dont l’humilité n’est pas la qualité essentiell­e, est-il aujourd’hui dans les mêmes dispositio­ns vis-à-vis de François Hollande ou de Manuel Valls ? Est-il leur rival, est-il leur subordonné? Bien malin qui pourrait répondre à la question. Un chose est sûre: en politique, Macron est le roi du suspense. Dans l’univers sportif, Griezmann sera bientôt un exemple. Au-delà des différence­s, la « grizoumani­a » et la « macromania » correspond­ent en réalité à un besoin, celui d’une France qui broie du noir, d’une France pessimiste, blasée, qui d’un coup a envie de nouveaux visages, de nouvelles aventures. Le temps, seulement, fera le tri entre ces deux chouchous des Français. On leur souhaite, à l’un et à l’autre, de rester longtemps leurs préférés.

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