Intelligences artificielles: menaces sur l’emploi
Les progrès réalisés ces cinq dernières années dans l’intelligence artificielle vont permettre de construire des robots, capables d’exécuter quasiment toutes les tâches humaines, menaçant des dizaines de millions d’emplois au cours des 30 prochaines années, s’accordent à prédire des scientifiques. «Nous approchons du moment où les machines pourront surpasser les humains dans presque toutes les tâches» , a ainsi prévenu Moshe Vardi, directeur de l’Institute for Information Technology à l’université Rice au Texas. «La société doit se pencher sur cette question dès maintenant car si des robots font presque tout ce que nous faisons comme travail, qu’allons nous faire?», s’est-il interrogé aux côtés d’autres experts lors de la conférence annuelle de l’American Society for the Advancement of Science (AAAS) à Washington. Pour le scientifique, qui n’exclut pas la fin du travail humain, «la question est de savoir si l’économie mondiale peut s’adapter à un taux de chômage de plus de 50%». Aucune profession n’est à l’abri, pas même les travailleurs du sexe, a-t-il lancé. L’automatisation et la robotisation ont déjà bouleversé le secteur industriel ces 40 dernières années, dopant la productivité au détriment de l’emploi. Le nombre de création de postes dans le secteur manufacturier a atteint son pic en 1980 aux États-Unis et n’a cessé depuis de diminuer, s’accompagnant d’une stagnation des revenus de la classe moyenne. Aujourd’hui on compte plus de 200000 robots industriels dans le pays et leur nombre continue à augmenter.
Conduite automatisée et armes autonomes
La recherche se concentre actuellement sur la capacité de raisonnement des machines, et les progrès ces vingt dernières années sont spectaculaires. Des avancées très importantes ont aussi eu lieu depuis cinq ans dans la vision et l’ouïe artificielles, permettant à des robots de voir et d’entendre comme les humains. Et le mouvement ne risque pas de s’inverser: les investissements dans l’intelligence artificielle aux ÉtatsUnis en 2015 ont été de loin les plus élevés depuis la naissance de ce domaine de recherche il y a 50 ans. Un effort porté à la fois par le secteur privé (notamment Google, Facebook, Microsoft et Tesla) l’État (le Pentagone a demandé 19milliards de dollars pour développer des systèmes d’armement intelligents). D’ailleurs, selon Moshe Vardi, «on a toutes les raisons de penser que les progrès des 25 prochaines années seront tout aussi impressionnants». Quelque 10% des emplois qui nécessitent de conduire un véhicule aux États-Unis pourraient par exemple disparaître en raison de l’automatisation de la conduite. Face aux perspectives vertigineuses qu’ouvrent ces avancées technologiques, un groupe de personnalités de haut vol, dont le scientifique Stephen Hawking, l’homme d’affaires (patron de Tesla et SpaceX) Elon Musk et le cofondateur d’Apple Steve Wozniak, avait publié début 2015 une lettre ouverte plaidant pour «l’interdiction des armes autonomes». Et les équipes de Google planchent déjà sur un moyen d’empêcher une intelligence artificielle… de se rebeller contre ses concepteurs.