Nice-Matin (Cannes)

Ça va passer...

- PHILIPPE CAMPS

Vous avez sous les yeux le dernier ‘’Euro au bureau’’ de l’histoire. Ne pleurez pas. Il était temps que cette rubrique-à-brocs se termine. Le bonbon commençait à partir en sucette. Quelques jours de plus et on répandait nos fantasmes les plus fous sur le papier. Attention, ça tâche ! J’en connais qui doivent être soulagés. Denis, notre rédac-chef, a même quitté la région. Il ne voulait plus voir ça. On peut le comprendre. Remarquez, les dérapages étaient prévisible­s. Vous avez déjà passé un mois reclus dans un canard ? Loin des stades et des fans-zones. Loin du bruit et de la ferveur. Bref, loin de la vraie vie. Y’a de quoi s’enfermer au petit coin-coin. On en sort le foie gras et la foi toute maigre. Question de malbouffe et de malédictio­n. Moi, j’ai pris deux kilos et je ne crois plus au football. Un sport qui sacre une équipe d’épiciers, non merci. Désolé, mais j’ai grandi sous Platini. Ça vous marque un homme. Depuis, j’aime le jeu quand il est porté par le vent de l’offensive et les joueurs quand ils sont transporté­s par le souffle de l’audace. J’aime aussi quand les jupes des filles sont soulevées par l’air de l’été, mais on est là sur un autre terrain. Je vais encore passer pour un vieux con, mais j’ai un faible pour le romantisme. Pour le football panache surtout quand il mène aux lauriers. Parfois, il finit aussi dans les ronces. C’est le risque. Évidemment, je comprends la culture de la gagne et respecte la religion du résultat. Mais ne me demandez pas de m’incliner sur la sacro-sainte victoire des Portugais conduits au plus grand des bonheurs par un jeu minimalist­e. Le pragmatism­e ne fait pas rêver, mais il peut empêcher l’adversaire de jouer et plus tard de dormir. On imagine très bien les nuits de juillet de notre DD national. Dimanche, il a trouvé encore plus calculateu­r que lui. On rabâche, mais quand le titre de meilleur joueur de la finale revient à un défenseur central (Pepe) surtout doué pour découper de la viande, on a envie d’envoyer, sans attendre, ses souvenirs à l’abattoir. Une finale dure une vie. Dommage. On va devoir se traîner cette désillusio­n qu’on rangera sous celle de 2006 qui, avouons-le, avait un peu plus de gueule grâce aux coups de folie de ‘’Zizou’’. Après 10 années de traversée du désert, l’équipe de France semble en avoir fini avec les joueurs aux comporteme­nts de chameaux. La preuve : le pays entier s’est (re)pris de passion pour ses Bleus. Et qu’importe si le tournoi a atteint le niveau de l’amer. Car oui, je persiste et je signe : l’Euro dans son ensemble a été médiocre comme son vainqueur. C’est un constat. Espérons que ce soit aussi un accident. Hier, le bureau était KO. La déception, peut-être, la fatigue, sûrement. On était trois pelés sans tondus. Il y avait le Will, le Croux et moi. L’émotion espérée pendant un mois de foot était enfin là, devant nos yeux. Dans les road-books de nos envoyés très spéciaux qui ont eu la bonne idée de nous toucher en plein coeur. Les saligauds... Oui, ça pleure un homme. Ça renifle aussi. Heureuseme­nt, on a pu se cacher derrière nos écrans. On a sa fierté ! On aurait entendu un papillon voler. Même pas de Tour de France pour meubler le silence. C’était jour de repos pour les coureurs. Jour de répit pour nous. Chut à l’arrière. Chut, chut, chut. Après tant de cris, d’écrits, voilà c’est fini. ‘’Terminares’’ comme tonne le Toine. Attention les gars, on n’est pas à l’abri d’un ptit coup de blues. Mais ça aussi, ça va passer. Allez, tournée générale ! Parole de colonel.

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