Nice-Matin (Cannes)

Le site archéologi­que de Roubion se dévoile

Cette année, le premier site de l’âge de fer fouillé dans les Alpes-Maritimes n’a pas encore laissé apparaître de trésor. Mais les découverte­s scientifiq­ues changent la vision de l’histoire

- ROMAIN MAKSYMOWYC­Z rmaksym@nicematin.fr

Pourquoi les Gaulois se sont-ils installés au sommet de la cime de La Tournerie? D’un point de vue défensif et combattant, c’est une ineptie. Elle culmine à 1 816 mètres, offrant une vue à 360° sur les plus hauts sommets du Mercantour… mais ne permet pas de surveiller les vaches à 100 mètres à vol d’oiseau en contrebas. Au fil des découverte­s scientifiq­ues sur le site archéologi­que de Roubion, en plein parc national du Mercantour, Franck Suméra, conservate­ur en chef de la région Paca, est néanmoins en mesure d’affirmer aujourd’hui que ce site « change la vision de l’histoire ». Jusque-là, la communauté scientifiq­ue liait les vestiges de l’âge de fer dans les Alpes du Sud à des occupation­s pastorales, à la transhuman­ce. Pas de quoi constituer un site monumental. Des restes humains et animaux, des stèles, des armes, du mobilier laissent à penser que le réseau d’enceintes concentriq­ues délimitant une plateforme d’environ 450 mètres avait une vocation cultuelle. Pour des banquets, des cérémonies, des sacrifices?

Déjà… le loup !

Les derniers éléments démontrent un peu plus qu’il y a 2 300 ans, les Gaulois n’étaient pas que de passage dans le Mercantour : des traces de foetus ovins prouvent que La Tournerie était occupée l’hiver. « C’est une découverte majeure, la plus belle de mes 30 ans d’activité », avoue Franck Suméra. La dernière campagne de

fouilles triénale en cours, cofinancée par la commune, la Région, le Départemen­t et le Parc, entre les vallées du Cians et de la Tinée, confirme l’importance du site et dénote « une population importante dans le Mercantour ». Une population d’influence massaliote puisqu’il y a deux ans, quarante et une pièces de bronze datant de la Deuxième Guerre punique ont été découverte­s dans le Mercantour au milieu des vestiges du sanctuaire gaulois. Elles étaient frappées Massalia (Marseille antique). La vocation cultuelle du site ne semble plus à démontrer.

En revanche, la masse rocheuse dégagée à l’époque pour concevoir ce site enneigé six mois de l’année, le four à chaux qui se devine sous la pelle mécanique, la truelle et le pinceau des archéologu­es laissent à penser que « ce sanctuaire peut traduire l’émergence du pouvoir, démontrer la notion d’héritage » là où on ne le pensait pas. La campagne 2016 n’a pas encore livré de secret digne d’intéresser les chercheurs de trésor. Si ce n’est un bijou, manifestem­ent une pièce d’habillemen­t, qui date d’au moins 2 300 ans.

Patrice Méniel, directeur de recherches au CNRS, spécialist­e de l’antiquité gauloise, indique que des représenta­tions animales sont « souvent » découverte­s lors des fouilles. Mais elles sont rarement aussi précises. Le chercheur de l’Université Bourgogne Franche-Comté pense à « un canidé » et « sûrement un loup » pour nouer des tissus. La découverte d’une pièce rare qui en appelle d’autres durant les prochaines semaines.

 ?? (Photos Clémentine Baude) ?? À   mètres d’altitude, les Gaulois ont édifié un site sans vocation défensive. Les archéologu­es et les chercheurs tentent de démontrer la fonction du site en fouillant ses vestiges. Elle pourrait bouleverse­r la version démographi­que de l’histoire...
(Photos Clémentine Baude) À   mètres d’altitude, les Gaulois ont édifié un site sans vocation défensive. Les archéologu­es et les chercheurs tentent de démontrer la fonction du site en fouillant ses vestiges. Elle pourrait bouleverse­r la version démographi­que de l’histoire...
 ??  ?? Ce bijou, manifestem­ent une pièce d’habillemen­t, date d’au moins  ans. Des représenta­tions animales sont « souvent » découverte­s lors des fouilles. Mais rarement aussi précisémen­t. Les archéologu­es pensent à un canidé et sûrement un loup.
Ce bijou, manifestem­ent une pièce d’habillemen­t, date d’au moins  ans. Des représenta­tions animales sont « souvent » découverte­s lors des fouilles. Mais rarement aussi précisémen­t. Les archéologu­es pensent à un canidé et sûrement un loup.

Newspapers in French

Newspapers from France