Le Festival du Film renaît en musique ans après
Cannes et nulle part ailleurs. C’est en effet dans la Cité des Festivals que se devait d’être évoquée, 77 ans après, la création du Festival de Cannes 1939, annulé pour cause de Seconde Guerre mondiale. Née d’une idée innovante du Cercle Musical de Cannes, en partenariat avec le club Cannes Croisette, une soirée en tenue de Gala recevait de très nombreux mélomanes et cinéphiles au Majestic-Barrière pour un récital du pianiste Jean Dubé, un enfant prodige, familier du CMC, devenu un immense artiste que la critique internationale met au rang des plus grands, Horowitz, Arrau, Rubinstein. Son programme ? Une suite de musiques illustrant quelques-uns des films pressentis pour Cannes 39. La puissance de son jeu, les couleurs de sa sonorité orchestrale faisaient se lever les images, depuis la fabuleuse valse du Chevalier à la Rose de Richard Strauss (film muet de 1925), jusqu’aux flamboyances de L’Oiseau de Feu (Firebird) de Stravinsky, en passant par Le Mariage du Lieutenant Kijé de 1933 et les fulgurances de la bataille sur glace d’Alexandre Nevski, de Prokofiev, et aussi jusqu’aux larges horizons du Thème de Tara – Autant en emporte le Vent (1938) de Max Steiner –, et l’éblouissante poésie d’Un Américain à Paris de George Gershwin, etc. Une pensée particulière pour le générique du film Quai des brumes(1938) – « T’as d’beaux yeux, tu sais» – Michèle Morgan était déjà arrivée à Cannes pour le Gala qui précédait l’ouverture. Maurice Jaubert, jeune compositeur niçois qui avait déjà été remarqué avec la musique de Zéro de conduite (1932), mobilisé en septembre, mourut pour la France en juin 40, au dernier jour de la “drôle de guerre”. On ovationnait debout Jean Dubé qui avait su faire revivre un événement… qui n’eut pas lieu en sollicitant, à chaque mesure, l’imagination de son auditoire.