Nice-Matin (Cannes)

Sophie de Menthon: « Il faut rabaisser le niveau du débat » L’interview

Avec son franc-parler habituel, la présidente d’ETHIC explique pourquoi l’entreprise est, selon elle, plus crédible que le politique

- PROPOS RECUEILLIS PAR KARINE WENGER

Qui mieux que Sophie de Menthon peut parler des entreprise­s ? La présidente du mouvement ETHIC (Entreprise­s de taille humaine, indépendan­tes et de croissance) était à Cannes vendredi soir pour la première soirée débat ETHIC Côte d’Azur, avec David Lisnard, maire de Cannes et Karim Zeribi, président de l’Agora des dirigeants France-Algérie, élu à Marseille. Sur un thème d’actualité à quelques mois de la présidenti­elle: l’entreprise, plus crédible que le politique. Un sujet sur lequel cette exGrandes-Gueules d’RMC a beaucoup à dire…

J’ai comme le sentiment que vous allez trouver l’entreprise plus crédible que le politique…

Les chefs d’entreprise sont très intéressés par les primaires mais ils sont estomaqués par la superbe indifféren­ce des candidats face à leur “Comment fait-on”. Dans l’ensemble, leurs programmes sont bien. Les politiques ont enfin compris que l’environnem­ent de l’entreprise est important et que certaines charges ne vont pas.

Que leur reprochent-ils?

Aucun candidat ne connaît pas ni ne comprend pas le quotidien d’une boîte. Même si c’est la mode de dire que les politiques aiment les entreprise­s. Ils n’ont jamais eu à faire adhérer à un projet d’entreprise, à affronter la résistance au changement, à se confronter à l’Administra­tion. Les ministres passent, l’Administra­tion perdure. Il n’y a pas de spoil system comme aux Etats-Unis, ce qui fait que la Haute Administra­tion n’en a rien à faire. Elle traduit les décrets et les lois. L’inspection du travail n’a pas de contre-pouvoir. Voici le constat étouffant des chefs d’entreprise que je représente.

Quelles solutionsp­réconisezv­ous ?

Il est impossible qu’on inflige aux patrons, même pour leur bien, des mesures, de nouvelles contrainte­s qui ne sont pas respectabl­es. Parmi les propositio­ns que nous allons faire aux politiques, le Laboratoir­e des entreprise­s. Hors Medef ou organisati­on patronale, il serait constitué d’entreprise­s de toutes tailles à qui on remettrait les textes et projets de loi pour qu’elles les testent dans les conditions du réel pendant plusieurs mois. Pour le prélèvemen­t à la source, par exemple, cela permettrai­t de voir les blocages, les freins, ce qui marche et en tirer les conclusion­s. Cela permettrai­t de passer des textes de loi compréhens­ibles et des mesures applicable­s.

Une autre propositio­n ?

Favoriser l’entrepreun­alisme. Un mouvement général de la France qui ne serait plus dans un état où tout est régulé, mais qui, au contraire, se mettrait à l’esprit d’entreprise et se prendrait en main. Pour y arriver, il faut des méthodes d’entreprise tout en sachant que l’État n’est pas une entreprise comme les autres. Il faut changer les choses en profondeur. Il y a une attente incroyable de changement de logiciel mais c’est très dur.

Quels sont les freins?

Il faudrait un contre-pouvoir et du management d’entreprise. Imaginez un peu. Dans une grande boîte, on a un boulot de fou pour recruter la bonne personne au bon endroit. Là, c’est magique ! On met un ministre à la Santé, il sait tout. On le met à l’Emploi, il connaît tout. Les politiques ont la science infuse dans des secteurs très compliqués avec, pour les aider, non pas des profession­nels, mais des gens qui sont des traducteur­s du langage administra­tif. Comment voulez-vous faire changer un pays comme ça ? Il y a également un refus des politiques d’anticiper les problèmes: on est sur la préservati­on des acquis. Il faut diriger la France avec des normes d’entreprise et des méthodes managérial­es. Attention, je n’ai pas dit qu’un État devait se diriger comme une entreprise.

Que doivent faire les politiques?

On va avoir des surprises très importante­s aux prochaines élections car les Français en ont ras-le-bol. Ils ont déjà entendu les promesses de ces politiques et veulent de nouvelles têtes. Les candidats doivent dire exactement ce qui va se passer: “Le déficit, je ne vais pas le résoudre tout de suite, mais voilà ce que je propose” et apporter des réponses concrètes.

Et vous, qu’allez-vous faire?

Je lance un appel aux , millions d’entreprene­urs pour peser très fortement lors des élections: obtenir la faisabilit­é des programmes, exiger le détail des mesures. Arrêtons de dire qu’il faut relever le débat. Il faut le rabaisser au niveau de la réalité concrète du terrain. Un entreprene­ur n’est ni de gauche ni de droite. Il est pragmatiqu­e. Il fait avec ceux qui sont au pouvoir. De toute façon, il faudra tout leur expliquer, faire de la formation continue. D’ailleurs, le président de la République a été en stage pendant ses deux premières années de mandat. Et Macron a été son maître de stage.

 ??  ?? «Il y a un bouillonne­ment dans notre pays. Jamais les Français n’ont jamais autant créé leur boîte. Ils ont confiance en l’entreprise et en eux. » (Photo K.W.)
«Il y a un bouillonne­ment dans notre pays. Jamais les Français n’ont jamais autant créé leur boîte. Ils ont confiance en l’entreprise et en eux. » (Photo K.W.)

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