Nice-Matin (Cannes)

La Trinité : elle aimait le vieil homme au point de le... voler

- CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr

Patricia et Charles étaient voisins à La Trinité. Elle a 59 ans, lui 86 ans. Leur amitié s’est transformé­e au fil du temps en relation amoureuse. En 2013, Charles est atteint de la maladie d’Alzheimer. Sa mémoire flanche, il rédige des chèques à la demande de Patricia. À tel point que son compte est dans le rouge. Le banquier alerte les trois enfants de l’octogénair­e qui déposent plainte à la gendarmeri­e de Saint-André-de-la Roche. Le montant des sommes anormaleme­nt prélevées s’élève à près de 16 000 euros. « Au regard des ressources de ce Monsieur, la somme est astronomiq­ue », note Laurie Duca, la présidente du tribunal correction­nel de Nice.

«Chèques-cadeaux»

À la barre lundi, Patricia, volubile, évoque sans ambages sa relation adultérine avec Charles sur lequel elle veillait depuis des années. En 2010, elle a dû déménager et la santé du vieil homme s’est encore dégradée. La spoliation présumée débute en 2011. « J’étais toujours présente auprès de lui, et cela, on ne peut me le reprocher », explique-t-elle alors que les enfants du vieil homme, parties civiles, demandent réparation. Patricia a du mal à avouer qu’elle avait conscience de la dégradatio­n de l’état de son « Charlot », comme elle le surnomme affectueus­ement. « Au niveau des chèques, c’étaient des cadeaux», explique-t-elle, sûre d’elle-même. « Trouvez-vous normal que cette personne qui n’était pas en pleine possession de ses moyens, affaiblie, dénutrie, fragile se dépossède de tels montants, lui qui avait une si petite retraite ? », insiste la présidente. « Oui j’ai accepté des chèques et je m’excuse », admet la prévenue qui, entre autres, a payé ses impôts avec l’argent de son amant… « 370 euros par mois, je pense que c’est mérité. Je m’en occupais 24 h sur 24, poursuit la prévenue. Je ne sais pas si je dois avoir des remords… On s’aimait, c’était naturel. Il me faisait des cadeaux. Je me suis occupée de lui pendant plus de vingt ans. Je n’ai pas voulu abuser de Charles, j’ai beaucoup de respect pour lui. Il s’est souvent retrouvé tout seul. Et j’étais très attachée à lui. » Sauf que les enfants du retraité la rémunéraie­nt pour certaines tâches ménagères. Me Dalmasso, au nom de la partie civile, réclame 25 000 euros de dommages et intérêts.

Obligation de rembourser

Pour le procureur Sylvie Canovas, « le délit d’abus de faiblesse est constitué» :« Aujourd’hui, la prévenue a changé de stratégie et reste dans une situation de déni ce qui ne me permet pas une forme de clémence, prévient l’accusation. Elle n’a jamais été condamnée, certes, mais je demande 18 mois de prison avec sursis et l’obligation d’indemniser les victimes.» Me Adrien Verrier, pour la défense, joue sur l’ambiguïté d’« une relation à la fois sentimenta­le et profession­nelle »:« Certes ce n’est pas romantique mais des chèques au lieu de sorties au restaurant ou de l’achat d’un bijou, en quoi cela pose une difficulté?» «Venir vous dire qu’elle a profité de ce monsieur, c’est remettre en cause l’amour qu’elle lui portait », plaide Me Verrier. Au regard des faibles montants, se rendait-elle compte que c’était abusif?». Pourquoi a-t-elle régulièrem­ent alerté la famille sur la dégradatio­n de santé de Charles. Est-ce le réflexe de quelqu’un qui floue une personne âgée?» Le tribunal a condamné hier soir la prévenue à un an de prison avec sursis, deux ans de mise à l’épreuve avec l’obligation de rembourser 15 586 euros à la partie civile ainsi que 800 euros de frais de justice.

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L’audience s’est tenue hier devant le tribunal correction­nel de Nice. (Photo F. Vignola)

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