Nice-Matin (Cannes)

Guillaume Denoix de Saint-Marc : « Nous sommes tous des écorchés vifs »

- PROPOS RECUEILLIS PAR CHRISTOPHE CIRONE ccirone@nicematin.fr

Guillaume Denoix de SaintMarc préside l’Associatio­n française des victimes du terrorisme, qui a créé en  cette cérémonie, coorganisé­e depuis avec la Fenvac.

Cette cérémonie a-t-elle répondu à vos attentes ?

Oui, car toutes les victimes étaient représenté­es. Leur voix a été mise en avant, ainsi que celle de l’Etat. Ce mariage a bien fonctionné, pour un vrai moment de rassemblem­ent. C’était notre cérémonie à nous, associatio­ns de victimes. Et l’ensemble des participan­ts a trouvé qu’elle avait de la hauteur, de la force.

Comment ont été choisies les prises de parole ?

On a tenu à ce que les noms soient lus par des personnes touchées de près par les attentats. On n’a pas relu les différente­s prises de paroles avant, et sans que l’on se concerte, toutes se complétaie­nt ! Chacune parlait de la même histoire, sous un angle différent. Il ne faut pas avoir peur de la voix des victimes : elle est pleine de sens, de sensibilit­é et de profondeur.

Qui était invité ?

Etaient formelleme­nt invitées toutes les victimes dont nous avions les coordonnée­s, ainsi que les autres victimes par voie de presse, et les personnes de la société civile souhaitant y participer. Nous avons envoyé   invitation­s, la Fenvac sans doute autant, et les autres associatio­ns (onze, PrayForPar­is...) ont envoyé les leurs. Il y avait une dizaine de représenta­nts des victimes de Nice, venues avec l’associatio­n Promenade des Anges ou à titre individuel. Elles sont venues nous remercier pour cette cérémonie ; cela veut dire qu’elles y ont trouvé un sens.

Aviez-vous reçu beaucoup de réponses favorables ?

Notre associatio­n a reçu près de  réponses positives. Tous ceux qui ont pu sont venus. Mais beaucoup ne pouvaient pas à cause de contrainte­s logistique­s ou horaires - l’heure nous a été imposée en fonction du calendrier du Président. Etant des associatio­ns, nous ne sommes pas en mesure de financer les déplacemen­ts, et chacun vient par ses propres moyens. Certains viennent chaque année du Tchad ou du Congo...

Comprenez-vous que certains refusent d’y participer par choix ?

Je le comprends tout à fait. C’est compliqué de venir, ce n’est pas naturel. Il y a aussi une méconnaiss­ance de l’esprit de cette cérémonie : beaucoup croyaient que c’était organisé par les pouvoirs publics. Ceci étant, ces victimes ont la possibilit­é de se taire si elles le souhaitent. Cela ne les empêche pas de se sentir proches de nous. Chacun a sa façon de gérer le deuil, de trouver un chemin qui peut être tortueux. Moi-même, il m’est arrivé de ne pas vouloir venir...

L’annonce de la refonte du fonds de garantie est une vraie bonne nouvelle ?

Cela va dans le bon sens. Pour nous, ce fonds était un adversaire ! Cela faisait des années que l’on parlait de dysfonctio­nnements. Notre requête a enfin été entendue et de réels changement­s sont annoncés. Même si depuis vingt-sept ans que je suis victime du terrorisme, j’ai appris à être prudent avec les discours.

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(Photo J.-S. G.A.)

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