Nice-Matin (Cannes)

Yasmine, le déchirant hommage d’une jeune Niçoise

- CHRISTOPHE CIRONE ccirone@nicematin.fr

Elle se sent « vidée » . Submergée par l’émotion et les sollicitat­ions.

« Jamais je n’aurais imaginé que mon discours aurait un tel impact... », confie Yasmine Bouzergan-Marzouk au téléphone. Hier, en moins de cinq minutes à la tribune, cette étudiante niçoise a bouleversé la France entière. Aux Invalides, Yasmine, 21 ans, a été l’une des voix des victimes du terrorisme. Elle a aussi été leur visage. Et leurs larmes. Le 14-Juillet, Yasmine et sa famille ont perdu trois des leurs, « trois

êtres si chers ». Sa tante Fatima Marzouk, 44 ans, « femme aimante, épanouie et dévouée à sa famille », qui « aimait la vie et condamnait le terrorisme ». Son cousin Mehdi Hachadi, 13 ans seulement, arraché à sa soeur jumelle Sherine, grièvement blessée. Et Amie Vimal, 12 ans, la meilleure amie de Sherine. « Elle était française. Elle était fragile. Elle était heureuse. Et c’est pour cela qu’elle est tombée. » La voix de Yasmine s’étrangle à mesure qu’elle égrène ces destins brisés. Des larmes s’étirent le long de ses traits juvéniles en évoquant le souvenir de « ces enfants, qui représente­nt l’avenir de la France. Et ces familles, symboles de tolérance,

de cohésion et d’amour ». Yasmine regrette, au demeurant, que les âges des victimes n’aient pas été mentionnés, comme ils le furent le 27 novembre dernier. C’est pour tous ces anonymes que Yasmine a trouvé la force de parler, insiste-t-elle. Parce que « l’histoire de [s]a famille, c’est l’histoire de toutes celles qui sont meurtries et ne se relèveront jamais. Je l’ai fait pour ma famille – ils m’ont remerciée, et c’est le plus beau cadeau qu’ils puissent me faire! Mais je l’ai aussi fait pour toutes les autres. Et je l’ai fait pour moi. Pour m’aider dans mon deuil. »

« L’islam, ce n’est pas ça »

Yasmine Bouzergan-Marzouk dit le tumulte des sentiments qui gronde en elle depuis plus de deux mois. Elle dit son incompréhe­nsion face à la tragédie qui a frappé les siens, « l’exemple même de la famille ouverte. Nous sommes de confession

musulmane mais nous sommes français avant tout! » Cette brillante étudiante en 4e année de droit, qui vient d’intégrer un master en sciences criminelle­s, dit son dépit, aussi, d’avoir « à se justifier, à dire que l’islam, ce n’est pas ça ».

Un message, au-delà de l’hommage. C’est ce qu’a lancé Yasmine, en exhortant le Président et ses successeur­s « à mettre fin de manière définitive à ces actes de barbarie », et en concluant d’un vibrant appel à l’union: « Soyons une seule communauté, dans nos valeurs communes comme dans nos différence­s. » A posteriori, la jeune femme confie: « Ce n’était ni le lieu, ni le moment. » Mais son coeur meurtri a voulu s’élever contre les amalgames, contre les tensions qui déchirent la société. Ce coeur qui souffre, aussi, de voir bafouer « un verset du Coran disant: “Qui tue un homme, tue l’humanité toute entière.” Les trois grandes religions monothéist­es prônent la même chose ! » Endeuillée, épuisée, Yasmine Bouzergan-Marzouk a « eu l’impression

d’être comprise par les Français et les Niçois », davantage que par des

pouvoirs publics qui se contentent « de promesses et d’engagement­s ». Pour la jeune Niçoise, comme pour les autres victimes, ce temps du recueillem­ent collectif a été une épreuve supplément­aire. Mais une étape « nécessaire. On a besoin, en tant que Français, de se sentir soutenus. J’attends avec impatience l’hommage qui sera rendu à Nice. Parce que les Niçois ont, aussi, besoin que quelque-chose se passe dans leur ville. Besoin de voir qu’on ne les oublie pas ».

 ?? (Photo MaxPPP) ?? Yasmine Bouzergan-Marzouk, ici devant son oncle Saïd, a bouleversé la France entière lors de son émouvant témoignage.
(Photo MaxPPP) Yasmine Bouzergan-Marzouk, ici devant son oncle Saïd, a bouleversé la France entière lors de son émouvant témoignage.

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