Nice-Matin (Cannes)

« Mon père est un héros que je ne cesserai d’aimer »

- GRÉGORY LECLERC gleclerc@nicematin.fr

« Mon père est un héros que je ne cesserai jamais d’aimer.» Elle ne s’en rend peut-être pas compte, mais par des mots choisis, aussi justes que bouleversa­nts, Chloé Arnaud a hier touché le coeur des Français. Son père, Jean-Pierre, 75 ans, a été abattu d’une balle dans la tête lors de l’attentat sur la plage de Grand-Bassam, en Côte-d’Ivoire, le 13 mars. L’attaque djihadiste menée par Al Qaïda au Maghreb islamique a fait 19 morts, dont 4 Français, parmi lesquels deux Azuréens (1). Chloé est militaire, aviatrice de 38 ans, basée à Salon-de-Provence. «C’était une immense émotion pour moi de me retrouver devant le président de la République pour évoquer la mémoire de papa», nous a-t-elle confié quelques instants après la cérémonie. Face aux Français, Chloé a parlé au nom de toute sa famille, et plus spécialeme­nt de sa maman Anne-Marie, installée à Saint-Laurent-du-Var, et de sa soeur qui habite Nice.

«Nous avons été vite oubliés»

L’aviatrice a trouvé la force de prendre la parole, pour elles. Pour eux. Pour lui. «Cet hommage, confie-t-elle, a été l’occasion de mettre un visage sur le nom de mon père.» Elle l’a fait aussi, peut-être, pour réparer une petite injustice. De celles qui blessent profondéme­nt. «À Grand-Bassam, il n’y a eu « que », entre guillemets, quatre familles de Français touchées. Alors nous avons été vite oubliés», regrette-t-elle. Triste échelle de valeur et de distanciat­ion qui accorderai­t plus d’attention à une victime du 13-Novembre ou du 14-Juillet qu’à des morts en Côte d’Ivoire. Alors cette cérémonie a été l’occasion pour elle d’exprimer avec force qui était cet ancien militaire qui a vécu à Cagnes-sur-Mer et Vence, cet «ami agréable et intelligen­t» tel qu’il a été décrit à Grand-Bassam après son assassinat. «Mon père, Jean-Pierre Arnaud, a été un militaire courageux, un nageur de combat compétent et expériment­é. Un homme rare et un papa d’exception. (...) Ne dit-on pas que la vie est un combat? Alors oui, pour lui je vais me battre», a martelé sa fille lors de l’hommage.

Nice a réveillé le traumatism­e

Elle estime que cette cérémonie a été à la hauteur. Mais elle attend maintenant du concret. «Je souhaite qu’il y ait davantage de moyens déployés face à cette menace innommable.» La militaire avoue toujours connaître des hauts et des bas, n’a aucune nouvelle de l’enquête, et tremble à chaque nouvel attentat. Notamment celui de Nice, qui a réveillé le traumatism­e. Mais elle refuse la haine, de tout son être. «Des coupables? Cela ne le ramènera pas. Cela ne sert à rien d’être dans la colère. Nous voulons juste la vérité.» Àla tribune de l’hommage national, Chloé a fait revivre son père quelques instants, aux yeux de millions de Français et du président de la République. Ce père aimant, sportif, nageur, cycliste, musicien aussi. Ce fou de Brassens qui avait fait d’une chanson, «Les copains d’ abord », la ligne directrice des a vie. Jean-Pierre Arnaud a été abattu dans le pays où ses deux filles sont nées et où il s’était marié avec Anne-Marie. La Côte d’Ivoire, terre de souvenirs heureux. Chloé a eu ces mots magnifique­s devant François Hollande : « Aujourd’hui je ne viens pas vous parler du bonheur de la douceur des jours, mais bien de la tristesse causée par les attentats. (...) Je proclame un message d’amour à notre patrie, aux valeurs de notre nation (...) Nous sommes ensemble, plus que jamais unis.» Plus que jamais unis.

1. Jean -Edouard Charpentie­r, 78 ans, du Cannet.

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(Photo France Télévision­s) Chloé Arnaud, hier lors de l’hommage national aux victimes d’attentats.

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