Burkini : une télé australienne fait polémique
Le reportage tourné par une chaîne australienne à Villeneuve-Loubet fait des vagues en France. On y voit une femme en burkini chassée de la plage. C’est en réalité l’équipe télé qui était visée
Je voulais juste voir de moimême. Voir ce qui se passait ici…» Avec ses grands yeux bruns et son sourire enjôleur, Zeynab Alshelh exprime, face caméra, l’incompréhension du monde face à la polémique autour du burkini. Une polémique qui, au crépuscule de l’été, fait encore des vagues sur la Côte d’Azur. Cette fois-ci, ces vagues viennent de l’autre bout du monde, d’Australie. Et ce nouveau tollé ressemble fort à un coup monté. «Ce qui se passe ici», c’est-àdire en France. Zeynab Alshelh a voulu se rendre compte en personne. Cette Australienne de 23 ans, étudiante en médecine, est venue manifester sa solidarité envers les femmes musulmanes, arborant la désormais fameuse tenue de bain bleue conçue dans son pays. Le 26 août, elle atterrit à Nice avec une équipe télé de la chaîne Channel 7. Le tournage les emmènera le 28 sur la plage de Villeneuve-Loubet. Un choix très symbolique, tant l’arrêté pris par Lionnel Luca a été au coeur des débats estivaux (1).
«Forcés de partir»
Diffusé dimanche dans l’émission Sunday night ,le reportage est déroutant. Long de treize minutes trente, fort d’un montage sensationnaliste et d’une bande-son angoissante, il culmine avec cette séquence où Zeynab Alshelh et une amie plantent leur parasol sur la plage de Vaugrenier. Pas longtemps. Juste assez pour éprouver «l’hostilité des locaux envers les musulmanes », dit la voix off. Un retraité lance à la caméra: «Vous faites demi-tour et vous partez.» La journaliste conclut: «Nous avons été forcés de partir, car les gens ont dit qu’ils allaient appeler la police.»
«C’était trop gros pour être vrai»
Problème: le retraité ne s’adressait pas aux jeunes femmes en burkini… mais à l’équipe télé. Plusieurs témoins distincts ont tenu à faire cette mise au point de taille. «L’homme sur la vidéo est mon oncle, nous précise l’un d’eux. Il n’a jamais demandé à ce que ces trois personnes quittent la plage! Il demandait au cameraman de partir. Il y avait des enfants sur la plage, dont les nôtres. Et on ne voulait pas qu’ils soient filmés.» «On voyait que c’était scénarisé, confirme Stéphane, un autre baigneur. C’était trop gros pour être vrai et ça puait le coup monté». Le reportage aurait donc été monté de manière orientée. Sinon malhonnête. À moins que les témoins ne livrent eux-mêmes une version erronée ? Difficile à croire. Après vérifications, le seul signalement de ce type reçu par la gendarmerie émanait bien d’un baigneur dénonçant la présence de caméras et refusant d’être filmé. Les intrus étaient partis avant l’arrivée des gendarmes. «Cela confirme ce que l’on m’avait rapporté à l’époque: un caméraman avait tourné une scène montée», se souvient Lionnel Luca. Pour le maire (LR), il s’agit là «d’une manipulation. Quel intérêt de refaire un cirque pareil ? Je pense que cela vient de pyromanes qui se font passer pour des pompiers… »
Montage en question
Feiza Ben Mohamed a rencontré la jeune Australienne et son équipe. Pour la porteparole de la Fédération des musulmans du Sud, qui avait révélé l’existence d’arrêtés anti-burkini, «il ne s’agit pas d’un coup monté à proprement parler, mais d’un test». Quant à savoir si le montage a été instrumentalisé, cela relève à ses yeux «de la responsabilité de la production». Reste que, selon elle, Zeinab, l’étudiante aux grands yeux bruns a agi «dans une démarche plus naïve que provocatrice.» Au risque d’alimenter un peu plus tensions et malentendus.