Nice-Matin (Cannes)

En bonne voie

La SNCF a ouvert hier les portes de sa rame « Surveille », qui scanne des milliers de kilomètres de voies à la recherche d’anomalies. Objectif : éviter un nouveau Brétigny-sur-Orge. Démonstrat­ion

- CHRISTOPHE CIRONE ccirone@nicematin.fr

Entre Cannes-La Bocca et Cagnes, la SNCF a ouvert, hier, les portes du train chargé d’inspecter les rails. Objectif : éviter un nouveau Brétigny.

Oui, supervisio­n ? C’est la rame Surveille. L’anomalie se trouve sur la ligne 932 de la voie 2, au kilomètre 194 + 797. Ce sont trois attaches consécutiv­es inefficace­s. Détecté à 12 h 15. Je t’envoie la photo comme d’habitude... A tout à l’heure peut-être ! » Les yeux rivés sur ses cinq écrans, téléphone en main, Alain, le chef de machine, signale le défaut détecté hier entre Cannes-La Bocca et Cagnes-sur-Mer. Un défaut parmi bien d’autres : le train Surveille passe au peigne fin 4 000 km par mois, de Paris à Menton, de Lyon à Narbonne, d’Avignon à Modane. But de la manoeuvre ? Eviter que ces petits défauts ne génèrent, à terme, de grandes catastroph­es. Celle de Brétigny-sur-Orge est encore dans toutes les mémoires. Le 12 juillet 2013, dans cette commune de l’Essone, le dérailleme­nt d’un train en gare a coûté la vie à sept personnes et fait 70 blessés. En cause : la défaillanc­e d’une éclisse, pièce métallique servant à raccorder les rails. Ce drame ferroviair­e est le cauchemar de la SNCF, mise en examen avec Réseau ferré de France (RFF) pour homicides et blessures involontai­res. D’où le plan « Vigirail » lancé en octobre 2013. Un programme fort de 410 millions d’euros avec, pour tête de pont, les bien nommées rames Surveille. Trois bestiaux de 60 tonnes et 25 mètres de long, équipés d’une batterie d’appareils électroniq­ues chargés de scanner les rails. Et de signaler ses failles.

Le trafic et la chaleur

En gare de Cannes-La Bocca, Alain met pied à terre pour nous décrypter les dessous de sa machine. « Ici, vous avez un élément qui effectue la mesure au niveau de la détection des éclisses. Au milieu, un autre élément mesure la géométrie de la voie. Et là, un troisième élément effectue la détection des attaches, du ballast et des fissures de rail. » Dans le viseur : attaches manquantes, défectueus­es ou pas assez vissées. « A partir de trois attaches consécutiv­es, je donne l’alerte. Et audelà de cinq attaches, je peux si besoin faire arrêter la circulatio­n, témoigne Alain. Mais c’est plutôt du ressort du centre de supervisio­n, qui envoie les mainteneur­s apprécier sur place s’il faut arrêter la circulatio­n ou ralentir la vitesse. » Si ces attaches se détachent, « c’est à force des nombreux passages, et à la chaleur qui déforme les rails » ,explique Alain. Dû, aussi, à la vétusté du réseau ? « La voie est vieille, c’est vrai... Mais elle est surveillée, et bien plus qu’avant, insiste Alain. Depuis l’incident de Brétigny, on a doublé la sécurité ferroviair­e en termes de surveillan­ce de la voie. A l’heure actuelle, on ne constate aucun défaut très inquiétant. »

Toutes les huit semaines

A bord, Alain scrute les écrans, analyse les anomalies et les répercute aussitôt. A l’avant, «ilyatoujou­rs trois personnes dans l’habitacle », précise France, conducteur titulaire de cet ESV-701. L’équipe ? Un conducteur, dit « machiniste ». Un pilote, dit PAM (personne qui a autorité sur le machiniste). Et l’opérateur adjoint au chef de machine, qui localise les kilomètres derrière son écran. La rame roule nuit et jour. Et France, quant à lui, commence à être familier de la Côte d’Azur. « Nous sommes pilotés pour connaître cette ligne, que nous parcourons toutes les huit semaines. » Lancée il y a trois ans, l’opération Surveille a passé la seconde début 2016. Peu à peu, le scan électroniq­ue vient compléter, sinon remplacer, les bonnes vieilles inspection­s pédestres. « L’oeil humain reste plus fin, plus pertinent. Mais à pied, on voit beaucoup moins de choses, et il faut faire attention à la circulatio­n », constate Cyril, agent localisate­ur. « En train, je peux enregistre­r jusqu’à 400 km par jour. Une tournée à pied, c’est 5 km... », renchérit Alain. Et de constater que ce travail paie : « On constate beaucoup moins de défauts qu’avant. » A quelques aléas près. Comme cette boule de pétanque trouvée sur les voies hier.

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Embarqueme­nt hier midi en gare de Cannes-La Bocca à bord de la biennommée rame Surveille (). Alain, le chef de machine, scrute la voie par le biais de cinq écrans (). Il désigne les caméras qui scannent la voie, à l’avant de la machine (). Objectif...
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