Nice-Matin (Cannes)

Le livre d’une Mandolocie­nne

Pour évacuer le traumatism­e après la vague qui a englouti sa résidence de l’Argentière, Colette Grevoz Dufour a pris la plume pour raconter: «Avis de tempête»!

- GAËLLE ARAMA garama@nicematin.fr

Mettre des mots sur les maux. Ce fut, durant cette année écoulée, le salut de la pétillante Colette Grevoz Dufour, habitante de la résidence de l’Argentière, boulevard de la Tavernière, à Mandelieu. Là où huit personnes ont péri dans des copropriét­és voisines. Avis de tempête. C’est le titre de son ouvrage publié par Riqueti, éditeur à Saint-Vallier. L’écriture et la vie. Le récit détaillé et haletant de sa soirée du 3 octobre, et des mois qui ont suivi. Un témoignage de 85 pages. Mais surtout un exutoire. Une plume trempée dans l’effroi, dans l’humour parfois. Pour exorciser les images. Et reprendre le cours de sa vie paisible de retraitée trois fois grandmère et deux fois arrièregra­nd-mère. Colette a l’esprit alerte, des yeux bleus rieurs, une vitalité impression­nante à 79 ans. Une belle harmonie ébranlée par la peur ce soir-là. La peur, quand, inquiète de ne pas voir remonter ses voisins du garage, elle descend les escaliers et a les pieds dans l’eau au rez-de-chaussée. « Voyez, la trace y est encore...»

« Cauchemars de petite fille »

La peur, quand elle assiste, impuissant­e, depuis la fenêtre d’une voisine, au sauvetage in extremis d’un couple de voisins grâce à une corde lancée par d’autres résidents. Colette nous montre l’entrée des garages. « Michel nageait, essayait de remonter avec sa femme Ginette sur le dos qui criait...». La peur, quand elle réalise qu’une demi-heure avant, elle aussi est descendue dans les parkings pour sortir sa petite voiture, et la mettre à l’abri. « Le lendemain matin, elle était au sommet d’un monticule de véhicules». Une scène qui la ramène 70 ans en arrière. « Quand, petite fille, en 1944 à Saint-Etienne, suite à des bombardeme­nts, certaines maisons aux façades éventrées montraient sans pudeur l’intimité des chambres aux lits défaits (page 34). ». Alors, Colette ne dort plus. Replonge dans ses « cauchemars de petite fille ». Huit jours après le chaos, la sexagénair­e s’empare de « son ordi, mon complice» . Couche chaque jour ses émotions, ses questions. C’est sa thérapie. Sa résilience à elle. Conte le quotidien de la reconstruc­tion des biens et des âmes à l’Argentière. « Ceux qu’on saluait avant le 3 octobre, on les embrasse désormais».

« Remettre les pendules à l’heure »

Au-delà des dissension­s sur les responsabi­lités, le sinistre a soudé. Chacun sa méthode de survie. Ginette, la miraculée, « s’attelle à ressuscite­r les plantes souillées de boue de la copro. Bien sûr, je lui ai offert le livre ». Colette aime partager. Un vecteur de résilience collective aussi. « J’ai lu des extraits à la résidence pour seniors Arc-en-ciel, où je fais des animations littéraire­s ». Son témoignage, elle a aussi tenu à le confier à la caméra de l’Institut de Mémoire des Catastroph­es, samedi dernier à la Bocca. « Pour remettre les pendules à l’heure » . Aujourd’hui, Colette est apaisée. En feuilletan­t les deux maigres albums de photos de famille auréolées qu’elle a pu sauver sur les 35 perdus, elle rit. La vie a gagné.

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 ?? (Photos Patrice Lapoirie) ?? Les deux images à un an d’intervalle rappellent l’ampleur du désastre ce  octobre .
(Photos Patrice Lapoirie) Les deux images à un an d’intervalle rappellent l’ampleur du désastre ce  octobre .
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