Drame familial à Nice ou les dérives du libertinage
Après 36 ans de mariage, ils pensaient sauver leur couple grâce à l’échangisme. Leur histoire d’amour s’est finie dans le sang. Gabrielle, 55 ans, a été tuée à coups de marteau
On a tout mélangé. On passait tous nos week-ends ensemble, on est parti en vacances avec ce couple, on a fêté Noël ensemble. On a tout mélangé. » Ludovic Haziza, 56 ans, agent général d’assurance, accusé du meurtre en septembre 2014 de son épouse, s’explique, lundi matin, sur les pratiques échangistes de son couple. «Ma femme a toujours été un peu exhibitionniste», affirme-t-il. On a fait des photos qu’on publiait sur des sites. Elle était jolie. On a été contacté par des gens de la région et on a atterri dans un club libertin en 2004. » En mars 2008, Ludovic et Gabrielle Haziza font la connaissance de Philippe et Sophie, un couple de Valbonne. L’accusé évoque « un coup de coeur amical », qui glisse rapidement vers une relation à quatre.
« Cet érotisme nourrissait notre couple»
« Quand sentez-vous que votre couple est en train de se briser ? », interroge Patrick Veron, le président de la cour d’assises des Alpes-Maritimes. Malgré des sanglots dans la voix, micro en main, Ludovic Haziza, encouragés par ses avocats Mes Guillaume Carré et Philippe Soussi, répond avec clarté: « Au début, c’était très bien. Cet érotisme, ces échanges nourrissaient notre couple mais on a senti que le couple d’amis était en difficulté. On s’est investi pour le sauver. Au lieu d’exporter notre bonheur, on a importé nos problèmes. » « Gaby » finit par tomber amoureuse de Philippe. Ludovic, le hâbleur, le séducteur le vit mal même s’il se met en ménage avec Sophie. Gabrielle et Ludovic décident finalement de divorcer. Le matin du drame, dans le cabinet d’assurances où ils travaillent ensemble pour quelques jours encore, une dispute futile dégénère.
Idylle de lycéens
« Baisse d’un ton où je prends mon sac et je te regarde te noyer », lance Gabrielle. Ludovic Haziza part dans son bureau, revient avec un marteau et frappe à toute volée l’amour de sa vie. Un déchaînement de violences inouï qui met fin à trente-six ans de mariage. Gabrielle s’effondre, le crâne fracassé. Leur idylle était née à Paris alors qu’ils étaient encore lycéens. Leur passion précipite à la fois la naissance de leur fils et leur mariage. Lui a 18 ans, elle 17. Tous deux interrompent leurs études pour entrer dans le monde du travail. « J’ai écrasé des cartons dans un supermarché, j’ai été manoeuvre à la SNCF, dirigé une équipe commerciale dans l’automobile… », raconte l’accusé. Gabrielle est embauchée par une compagnie d’assurances américaine. Le couple gravit l’échelle sociale à force d’abnégation, reprend un portefeuille d’assurances en 1998 à Nice. En 2014, le cabinet de la rue de la Buffa leur assure de confortables revenus (7 000 € mensuels) mais le couple est irrémédiablement déchiré. La séparation de biens est organisée. Ludovic Haziza trouve à Gabrielle un emploi chez un confrère. Le 1er septembre 2014, dans le cabinet, l’histoire du couple bascule dans le sordide. «Je me vois retourner dans mon bureau. Je me penche pour brancher mon téléphone. Je prends un marteau. Ensuite, j’ai été submergé. Je ne me souviens même pas d’avoir été en colère. Et puis c’est une catastrophe. Je la vois de dos mais c’est tout. » Les multiples coups portés sur la tête de son épouse, le mur maculé de sang… Rien, dit-il, ne lui revient en mémoire. Le président Véron insiste : « Ensuite ? »« Je me souviens du panneau Villeneuve-Loubet.» Hagard, le meurtrier rentre chez lui au Rouret. «Je ne me sens pas bien. Je dis à Sophie que je vais me rendre à la gendarmerie. » Les experts, psychiatre et psychologue, décrivent l’accusé comme un homme terriblement normal, pris, un matin, « dans un orage émotionnel », selon les termes de Danny Bergogno, psychologue. Des proches de Gabrielle, cités comme témoins par Me Frédéric Hentz, partie civile (1) se montrent plus accusateurs : « Il avait une emprise sur elle », « elle était très discrète, effacée, soumise», lui avait une forte personnalité» «Elle en avait peur.» «ll l’avait obligée à démissionner du cabinet pour ne rien avoir à lui verser. » Le verdict est attendu demain.