Nice-Matin (Cannes)

« Guiguy » Bertolino, un grand coeur a cessé de battre

C’est avec une immense tristesse que nous avons appris le décès de notre collègue, reporter à Nice-Matin, à l’âge de 42 ans. Un grand profession­nel aux qualités humaines unanimemen­t louées

- CHRISTOPHE CIRONE ccirone@nicematin.fr

Grand coeur. » Ces deux mots s’étiraient à la Une de NiceMatin le 13 novembre 2016, surplomban­t une photo de David Ginola tout sourire. En cette date chargée d’émotion, notre journal consacrait un dossier spécial aux premiers secours. Notre collègue Guillaume Bertolino, grand reporter, y interviewa­it « El magnifico » le miraculé. Ce sera son dernier reportage. Guillaume, notre « Guiguy », nous a quittés brutalemen­t le dimanche 8 janvier. Ce matin-là, un « grand coeur » a cessé de battre. Un immense, même. Un grand journalist­e s’en va, et un mec bien avec lui. L’annonce du décès de Guillaume Bertolino, à l’âge de 42 ans, n’a pas seulement plongé dans la détresse sa femme Christelle et leur fils Matthieu, 2 ans seulement. Elle a bouleversé ses collègues du groupe Nice-Matin ,où il aura exercé durant près de vingt ans, participan­t activement aux grands combats pour la survie du journal. Au-delà, elle laisse sous le choc tous ceux qui ont croisé sa route, dans des milieux aussi variés que la communicat­ion ou la scène culturelle. Reflétant cette vie si riche, et si courte, que Guillaume aura croquée à pleines dents.

Au nom du père

«Yo!» Les couloirs de la rédaction résonnent encore de la voix claire et enjouée de Guillaume. Guiguy, sa casquette à l’envers, sa barbe grisonnant­e de hipster et ses converse de rocker. Guiguy, son regard bleu azur et son sourire désarmant de gentilless­e. Guiguy, et ce salut de la main si caractéris­tique qui évoquait un autre Bertolino : Georges, son père, grand reporter aussi, disparu trop tôt également. Sur son bureau, Guillaume, carte de presse n°86177, avait déposé un cadre photo où il apparaissa­it tout sourire au côté de Georges. Deux génération­s de Bertolino. Deux talents qui auront marqué l’histoire de notre titre et écrit quelques-unes des lignes marquantes de l’histoire de la Côte d’Azur. Né à Nice le 4 mai 1974, fils de Georges et Mariane Bertolino, Guillaume a étudié au collège Jules-Verne puis au lycée Renoir à Cagnes-sur-Mer, décroché un bac G avant de rejoindre la fac de lettres de Nice en arts, communicat­ion et langages (ACL), puis l’IUT de Sophia Antipolis. C’est à Nice-Matin que s’est écrite toute sa carrière. Premiers stages en 1994 côté administra­tion et maintenanc­e. Première expérience rédactionn­elle en 1995, quand apparaît l’emblématiq­ue signature «Gui.B.»

« M’en bati sieu Guiguy! »

En avril 1998, Guillaume intègre définitive­ment la famille Nice-Matin. De l’agence locale de Grasse à celle de Menton, de Nice à Cagnes via les pages Vallées (région niçoise), Gui trempera sa plume dans le quotidien des gens avec bienveilla­nce, tact et talent. Préférant un langage simple aux esbrouffes linguistiq­ues. N’hésitant pas à glisser dans ses articles l’un de ces «gari» , « baieta » ou « stassi » dont il gratifiait joyeusemen­t la cantonade, accent à l’appui. « M’en bati sieu Guiguy ! », s’exclamait ce Nissart jusqu’au bout des ongles. « Peintre des moeurs de son temps », comme se présentait GuiguyAtta­ck sur Twitter, là encore avec une bonne dose d’autodérisi­on. « Berto », c’était ce fou de musique, aussi prompt à dénicher la prochaine rock-star que les talents d’aqui .Cefande l’OGC Nice qui supportait les Aiglons au stade du Ray, en déplacemen­t et dans nos colonnes. Qui se mordait les doigts d’avoir loupé le 4-0 historique contre Monaco à l’Allianz, et qui ne pourra vivre l’éventuel sacre nissart au printemps… Dimanche, Nice a perdu en Coupe. Comme un symbole.

Rigueur et humanité

D’une tragique catastroph­e ferrovière dans la vallée de la Roya à l’implantati­on de la mafia sur la Riviera, qu’elle soit française ou italienne, en passant par le Nice Jazz Festival, Guillaume était un journalist­e polyvalent qui savait passer d’un registre à l’autre. Avec la même rigueur, la même obstinatio­n et surtout la même humanité. Son travail de terrain, ses témoignage­s empreints d’empathie ont marqué les esprits. A l’image de celui qu’il avait recueilli au lendemain de ce tragique 14 juillet 2016 qui a marqué à jamais l’histoire de Nice. Guillaume Bertolino avait réussi à retrouver au milieu de ce chaos une raison d’espérer. Il avait interviewé Franck, «le héros au scooter» qui avait tenté de stopper le tueur au camion. Des raisons d’espérer, ce journalist­e au grand coeur en avait offert aussi à ses collègues en jouant en 2010 et 2014 les chefs d’orchestre des « Nice Party », festivals de soutien à Nice-Matin alors en pleine tempête.

«Jedisaime»

Guiguy, c’était cette voix qui s’imprégnait d’une infinie douceur, ce visage qui s’éclairait soudain quand il recevait un appel de Christelle – « Mon coeur? » – et de « p’tit Mat’ ». Matthieu avec deux « t », comme Chédid, qu’il eut la joie d’interviewe­r au Palais Nikaïa. Guiguy, c’était ce piètre pointeur capable de faire un carreau à la pétanque. Cet épicurien doté d’un bon coup de fourchette. Cet amoureux fou de sa femme, de son fils et de son chien, ce magnifique husky prénommé Life, et considéré comme membre de la famille à part entière. Guiguy, c’est ce grand monsieur, ce type bien, cet ami, ce frère qui nous manque déjà tant. Ce « grand coeur » qui a cessé de battre un dimanche de grisaille, comme ça, sans prévenir. Ce garçon si bon, si fort, qui rayonnait un peu plus à chaque épreuve de la vie. Cet inconditio­nnel d’Oasis à qui l’on voudrait chanter, façon grand choeur : « I don’t believe that anybody feels the way I do about you now » (1).

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6 Avec son père Georges qui lui a montré la voie du journalism­e en étant son modèle. 5 Aux côtés de The Avener et de la CroixRouge, lors d’un concert solidaire en octobre  au Nikaïa. 3 Avec Christelle, l’amour de sa vie. 1 Un instant de bonheur...
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(DR) Guillaume « Berto ». Un grand monsieur. Un type bien.

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