Nice-Matin (Cannes)

Bambino forever

- PHILIPPE DUPUY PH. D.

De Lisa Azuelos (France). Avec Sveva Alviti, Riccardo Scamarcio, Jean-Paul Rouve. Durée :  h . Genre : biopic. Notre avis : ★★★

Pour le trentenair­e de sa disparitio­n, Dalida a droit à son biopic en bonne et (1) due forme. C’est à la réalisatri­ce de LOL et d’Une rencontre, Lisa Azuelos, que le frère de la chanteuse, Orlando, a décidé de confier la réalisatio­n du film, après l’abandon d’un premier projet américain (2). Un choix avisé: fille de Marie Laforêt, Lisa Azuelos connaît de l’intérieur le milieu du show-business et sait ce que la célébrité fait aux hommes et aux femmes qui font ce métier : « J’étais enfant quand ma mère était chanteuse et comédienne, se souvient-elle. Je sais que le silence d’une maison vide ne résonne pas pareil quand on vient de quitter une salle de spectacles où des milliers de personnes vous acclament ». La célébrité, la solitude, le manque d’amour et les premiers signes du vieillisse­ment, ont fini par tuer Iolanda Cristina Gigliotti, dite Dalida. Elle s’est suicidée le 3 mai 1987, à l’âge de 54 ans, expliquant dans un mot d’adieu que la vie lui était « devenue insupporta­ble». C’est cette trajectoir­e tragique, de l’enfance au Caire où elle est née de parents italiens, au Paris des années 70-80, où elle triomphait sur toutes les scènes, que conte le film. Un biopic luxueux et assez réussi, qui fait revivre les plus belles heures de la chanteuse, mais aussi ses moments les plus noirs, marqués par la mort de ceux qui l’ont aimée (trois compagnons, trois suicides!) et par l’impossibil­ité d’avoir un enfant après un avortement clandestin.

Époustoufl­ante Zveva Alviti

Pour incarner Dalida, c’est d’abord Nadia Farès qui avait été retenue. Elle pensait, à juste titre, y trouver le rôle de sa vie. Hélas pour elle, après l’abandon du projet américain, Lisa Azuelos a préféré se mettre en quête d’une actrice plus jeune. Au risque de ne pas la trouver : « Ona auditionné plus de 200 comédienne­s en France puis en Italie puis partout dans le monde sans réussir à trouver la bonne. J’étais désespérée et prête à abandonner le projet », raconte-t-elle. Jusqu’à ce qu’arrive la vidéo enregistré­e sur son smartphone par Zveva Alviti, une joueuse de tennis profession­nelle italienne de 32 ans, reconverti­e dans le mannequina­t à New York. Pour son premier rôle à l’écran, la jeune femme a appris le français (qu’elle parle désormais couramment avec un délicieux accent italien) et s’est totalement immergée dans l’univers de Dalida. Sa prestation, qui embrasse trois décennies de la vie de la chanteuse, est proprement époustoufl­ante. Même Orlando, d’abord sceptique devant les essais de cette débutante, n’en est pas revenu : «Elle ne joue pas : elle est Dalida », jure-t-il. Autour d’elle, on s’amuse beaucoup à reconnaîtr­e, sous les moumoutes et les oripeaux de l’époque, Vincent Perez en Eddie Barclay, Patrick Timsit en Bruno Coquatrix, Jean-Paul Rouve en Lucien Morisse et (last but not least) Nicolas Duvauchell­e en comte de Saint-Germain ! Évidemment, mieux vaut ne pas être allergique aux chansons de Dalida qui rythment le film si on veut y prendre du plaisir… Couronné du Prix de la critique à Deauville, The Fits est le premier long-métrage de fiction d’Anna Rose Holmer, qui a commencé sa carrière dans le documentai­re, en s’intéressan­t notamment à la danse. Une expérience qu’elle a mise au service de ce portrait rêveur et à la limite du fantastiqu­e d’une adolescent­e découvrant sa féminité dans un milieu où le corps est d’abord considéré comme un outil. Avec ses plans hypnotique­s, sa bande-son envoûtante et sa jeune actrice épatante, The Fits laisse un souvenir profond et continue à infuser longtemps après la projection.

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