« Je veux redresser la France »
Pour son premier grand meeting présidentiel, le champion de la droite a fait vibrer la corde sécuritaire, identitaire et patriote, hier soir à Nice, revendiquant la radicalité de son projet
J’ai une volonté inflexible de défendre nos valeurs et de venir à bout de l’État islamique… Je suis français et j’en suis fier. J’irai au bout de mes convictions, la France doit être aimée et impérativement redressée.» Pour son premier grand meeting présidentiel, hier soir à Nice, François Fillon n’a pas cherché à chicaner. Il est allé droit au but, à droite toute, au fil d’un discours à la très forte empreinte identitaire et sécuritaire. Chacun sera séduit ou pas, cela a au moins le mérite de la clarté. «Assumez ce que vous êtes, vous n’avez pas à vous excuser d’avoir du bon sens et des valeurs. Vous pouvez compter sur moi pour rester ce que je suis. Je ne vais pas affadir mes convictions. La radicalité et la franchise de mon projet m’exposent aux blâmes et aux caricatures. Je m’attaque au confort du conservatisme, mais je ne céderai rien. »
Veine sécuritaire
Dans une veine très pasquaïenne, ou ciottiste pour être plus moderne, François Fillon a enfoncé le clou d’un programme totalement décomplexé sur la sécurité et l’immigration. Un positionnement résumé d’une formule: «La peur doit changer de camp! » « L’unité nationale implique un changement de politique migratoire. Il ne
faut pas céder aux injonctions de la
bien-pensance », a notamment plaidé Fillon. Immigration réduite au minimum, arrêt du « détournement » de notre politique d’asile, demandeurs dont les dossiers seront refusés systématiquement éloignés de notre territoire, il a déployé un arsenal de mesures radicales, «en ligne droite» et affranchies « du goutte-à-goutte mortel de l’eau tiède », comme l’avait espéré Eric Ciotti en ouvrant la soirée. «Il faut traquer les passeurs de faux rêves qui sont des passeurs de
mort », a encore estimé François Fillon. Comme Angela Merkel, il souhaite ainsi assujettir l’aide au développement à la coopération des pays concernés pour récupérer leurs demandeurs du droit d’asile déboutés. «La question de l’immigration ne doit plus être un tabou avec les pays d’origine. »
Le candidat de la droite veut aussi de véritables frontières européennes : « S’il faut attendre deux heures pour entrer en Europe comme on attend deux heures pour entrer aux États-Unis, on attendra deux heures!» Et, tant que les frontières extérieures ne seront pas protégées par nos partenaires, « la France rétablira de vrais contrôles à ses frontières
nationales », a-t-il promis. L’ancien Premier ministre entend par ailleurs instaurer des plafonds migratoires, qui tiendront compte à la fois des besoins de la France et des capacités d’adaptation des migrants. S’il est élu, les prestations sociales pour les étrangers seront conditionnées à une présence minimale de deux ans, l’Aide médicale d’État supprimée et remplacée par une aide d’urgence, les étrangers condamnés expulsés. Pour ceux installés durablement en France, il a pointé «une exigence d’assimilation». Pour accéder à la naturalisation, la durée minimale de présence en France serait portée à huit ans, tandis que les enfants d’étrangers devraient formaliser leur souhait de devenir français dans une « déclaration de volonté ».
Économie libérale
François Fillon a assumé une radicalité identique en matière économique. « Mes adversaires disent que mon programme va provoquer de la casse sociale. Mais la casse sociale est déjà là, avec 6 millions de Français qui pointent à Pôle Emploi. Je veux redresser la France, là où la gauche, M. Macron compris, veut juste assister à son déclin. Notre peuple n’est pas fatigué, c’est notre système qui est usé. » Fin définitive des 35 h faisant place au dialogue social au sein de l’entreprise, rétablissement des 39 h dans les administrations publiques, baisse massive des charges, François Fillon revendique ses recettes libérales. « C’est la liberté qui créera des emplois et relancera l’ascenseur social», assure-t-il, convaincu que
grâce à ses potions, la France peut devenir « d’ici dix ans la première
puissance européenne ».
L’avertissement d’Estrosi
Ce discours était visiblement celui que voulaient entendre les 3 000 personnes présentes hier soir au palais Acropolis de Nice. Un homme toutefois n’y aura sans doute pas totalement trouvé son compte : Christian Estrosi. En préambule, tout en témoignant son soutien et sa loyauté à François Fillon, il y est allé de sa petite mise en garde : « On ne gagnera pas si on ne s’adresse pas aux millions de Français délaissés, cela mettrait en danger toute perspective de rassemblement. Le mot social n’est pas une grossièreté. En laisser le monopole à d’autres conduirait à notre perte. » Fillon a encore un peu de boulot pour fédérer, sans aucun état d’âme, toute sa famille derrière lui.