Procès Haziza à Nice : dix-sept ans de réclusion
La cour d’assises des Alpes-Maritimes a condamné hier soir Ludovic Haziza pour le meurtre de sa femme Gabrielle. L’assureur l’avait tuée de vingt coups de marteau à Nice le 1er septembre 2014
L’histoire ressemble à un scénario dramatique à la Claude Chabrol. Le réalisateur excellait à croquer les travers de la bourgeoisie de province, ses secrets inavouables. Pour beaucoup de leurs proches, Ludovic et Gabrielle Haziza étaient un couple parfait. « Fusionnel », a encore rappelé hier matin un témoin : « Elle était sa lumière. » Le 1er septembre 2014, il va la plonger dans les ténèbres à coups de marteau. Au club de tennis, beaucoup étaient sous le charme de ce couple d’assureurs de la rue de la Buffa à Nice. Elle jolie, douce, discrète. Lui, volubile, cultivé, exubérant. Dans l’intimité de leur villa du Rouret, la relation est moins idyllique. Ludovic Haziza avait fini par convaincre son épouse que le libertinage raviverait leur passion après tant d’années de vie commune. Dans un club très privé de Mougins, ils ont rencontré Philippe et Sophie et fini par faire ménage à quatre pendant plusieurs mois. Une relation singulière, échangiste, qui se terminera en tragédie. Gabrielle, au fil des années, voulait refaire sa vie avec Philippe. Elle a d’abord été battue en 2013 par Ludovic Haziza. Elle a fini massacrée dans le cabinet d’assurances, l’année suivante. Dans l’enceinte judiciaire qui a parfois des airs de théâtre, Me Frédéric Hentz l’avocat de la mère de la victime, réussit son effet en tapant du poing sur sa tablette. « Un, deux, trois… Vingt coups », martèle l’avocat pour mimer une scène atroce et interminable.
Vingt-cinq ans requis
Pendant trois jours de débats, où les témoignages sur la personnalité de l’accusé ont été pour le moins contrastés, Me Hentz tire une conclusion : « Le libertinage n’a rien à voir avec ce crime. C’est un rideau de fumée. » Pour la partie civile, l’explication du meurtre est plus terre à terre. Elle est liée à l’égocentrisme de l’accusé. Pour preuve, les propos de Ludovic Haziza en garde à vue : « Je ne voulais pas tant sa mort que l’arrêt de ma douleur ».« N’est-ce pas la définition du narcissisme ? », relève Me Hentz. L’avocat dénonce « les larmes de crocodile d’un manipulateur ». Parties civiles et accusation ont cité chacun leur tour un lapsus de Ludovic Haziza rapporté par un témoin: « Un divorce, ce n’est pas la mort à boire. » Lapsus annonciateur, selon elles, de la fin tragique de Gabrielle Haziza. « Pas un crime d’amour, mais un crime d’amour-propre par un fin stratège », prévient l’avocat général Clotilde Galy. À la fin d’un réquisitoire sans concession, le magistrat requiert vingt-cinq ans de réclusion. « Je ne suis pas le pantin d’un soidisant manipulateur », rétorque Me Guillaume Carré, le premier à plaider en défense. L’avocat s’attache à replacer le crime dans son contexte. On est loin, le matin du drame, du Ludovic Haziza flamboyant : « Il n’a pas dormi depuis une semaine, il rumine, il est dépressif, méconnaissable. Il est dans un état de sidération, un état second. » Trente-six ans de mariage sont en train de s’effondrer, le cabinet d’assurances est fragilisé par le départ imminent de Gabrielle. Ludovic Haziza perd pied. Une remarque déclenche sa fureur. Me Philippe Soussi prend le relais et jette ses lunettes de dépit tant ses contradicteurs ont noirci la personnalité de l’accusé : « Vous l’avez réduit à pas grand-chose, lance le pénaliste. Rien n’a eu grâce à vos yeux. Même la sincérité de cet homme, même ça, vous n’en voulez pas. » Me Soussi ose l’expression « drame passionnel »:« Ce n’est pas Tristan et Iseult, ou Belle du Seigneur et pourtant ils s’aimaient. » Me Soussi balaie les témoignages « des partouzeurs psychologues », qui ont défilé au procès pour ne retenir que les experts dûment mandatés qui parlent « d’orage émotionnel. » La défense cite le Dr Saget, psychiatre : « Il n’y a pas ceux qui passent à l’acte et les autres. Personne ne peut dire : je ne passerai pas à l’acte. »