Nice-Matin (Cannes)

Jeu de massacre

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Jamais depuis les débuts de la Ve République, une élection présidenti­elle n’a été aussi imprévisib­le. Semaine après semaine, les têtes d’affiche tombent : Hollande, Sarkozy, Juppé et, hier, à l’issue de la primaire de la gauche, Manuel Valls. Aucune malédictio­n dans ce jeu de massacre mais la démonstrat­ion que les Français ne veulent pas donner une deuxième chance à ceux qui les ont gouvernés sans vaincre ce terrible mal français qu’est le chômage. Certes, dans cette débâcle, François Fillon surnage mais il est à son tour pris dans la tempête. Rien ne dit que son grand discours d’hier à Paris ait réussi à calmer les vents contraires qui soufflent depuis une semaine sur sa candidatur­e. On ne peut se draper de probité et laisser le douter s’installer sur sa propre morale. La victoire de Benoît Hamon lui complique, en outre, la tâche. Elle libère, en effet, un électorat réformiste de gauche qui ne se reconnaît pas dans ce candidat radical et peut s’en aller rejoindre Emmanuel Macron, porte-parole auto-proclamé des progressis­tes de gauche et de droite. De fait, cette primaire referme un cycle politique de près de  ans qui aura permis au Parti socialiste de dominer à la fois la gauche et la scène publique française. Depuis , le PS a gouverné vingt ans, soit quatre années de plus que la droite. Cette page-là, ouverte par François Mitterrand, se referme définitive­ment. Hier, la primaire de la soi-disant Belle Alliance populaire a signé la défaite de la gauche de gouverneme­nt. C’est, d’ailleurs, le sens de la déclaratio­n de Manuel Valls alors qu’il reconnaiss­ait sa défaite. Son discours sonnait comme l’ouverture d’une procédure de divorce, l’expression d’une fracture idéologiqu­e définitive au sein du PS. L’ancien Premier ministre a voulu ainsi poser des pierres pour l’avenir. Il est convaincu, en effet, que Benoît Hamon connaîtra un échec cinglant au premier tour de l’élection présidenti­elle. Et que sonnera alors la véritable heure des comptes. De fait, tant de surprises ont émaillé la première phase de cette élection présidenti­elle qu’on peut imaginer que la deuxième sera également très incertaine. Le phénomène Macron va-t-il résister à l’épreuve du programme et à la bataille frontale qu’il va devoir affronter avec la droite et la gauche? Benoît Hamon lui-même se retrouve en pleine lumière et face à un Jean-Luc Mélenchon bien décidé à en finir avec le PS. Rude confrontat­ion malgré la main tendue de Benoît Hamon hier soir. François Fillon parviendra-t-il, quant à lui, à redresser son image et à reprendre en main un électorat de droite ébranlé? Autant de questions pour une seule réponse : qui sera au nd tour de la présidenti­elle face à une candidate du FN qui fait toujours la course en tête, passe pour l’heure entre les gouttes et échappe du coup à toutes les interrogat­ions que soulèvent sa personne et son projet?

« Les Français ne veulent pas donner une 2e chance à ceux qui les ont gouvernés sans vaincre le chômage. »

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Par DENIS JEAMBAR

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