Tollé après le décret américain anti-musulmans
La décision de fermeture partielle des frontières est contestée dans la rue et devant les tribunaux
Manifestations, condamnations internationales, plaintes déposées en justice: neuf jours après sa prise de fonctions, Donald Trump a fait face hier à un feu nourri de critiques après sa décision de fermer partiellement les frontières.
(1) Dès l’entrée en application du décret, 109 personnes ont été arrêtées à leur arrivée aux États-Unis, bien qu’elles aient des visas valides. Dans les heures qui ont suivi, des milliers de manifestants se sont progressivement rassemblés dans de nombreux aéroports à travers le pays (notamment à New York, mais aussi à San Francisco, Dallas, Seattle, Boston…) en signe de protestation et de soutien aux étrangers bloqués, et qui allaient être expulsés.
Décisions de justice en urgence
Dans la foulée, à la suite de plaintes déposées par l’Union américaine pour les libertés civiles (ACLU), une juge fédérale de Brooklyn a statué en urgence et a rendu une ordonnance valant pour l’ensemble du territoire, les autorisant à y rester à titre temporaire, tant que la question de la constitutionnalité du décret ne serait pas tranchée sur le fond – l’affaire pourrait aller jusqu’à la Cour suprême. Une décision bientôt suivie par celles de trois autres juges bloquant également les expulsions. Hier, alors qu’il restait, selon l’administration, une vingtaine de personnes en détention, et que les compagnies aériennes dans le monde entier restent tenues d’appliquer ce décret (Air France a ainsi refusé d’embarquer une quinzaine de personnes vers les Etats-Unis), le mouvement de protestation s’est poursuivi et étendu, entre autres devant la Maison-Blanche à Washington. Dans le même temps, l’opposition démocrate a appelé au retrait du décret, au nom des valeurs américaines. Il « ne fera que galvaniser ceux qui cherchent à nous faire du mal», a aussi déclaré le chef des démocrates du Sénat, Chuck Schumer, qui s’est affiché avec des réfugiés à New York.
Malaise chez les républicains
Au sein de la majorité républicaine, le malaise était perceptible. Peu d’élus ont publiquement pris la défense de Donald Trump, et une poignée de républicains ont condamné tout ou partie du décret. L’image d’un interprète irakien ayant travaillé pour l’armée américaine, et qui plus est supporter de Trump, arrêté vendredi à New York, a notamment choqué les sénateurs John McCain et Lindsey Graham. «Nous craignons que ce décret ne nous affaiblisse dans la lutte contre le terrorisme», ont-ils déclaré, notant que les alliés de Washington contre Daesh sont majoritairement musulmans. Et sur Twitter, l’élu du Michigan Justin Amash a sous-entendu que le décret semblait être plus motivé par des questions politiques que sécuritaires: «Si on s’inquiète du radicalisme et du terrorisme, pourquoi pas l’Arabie saoudite, le Pakistan et d’autres?» L’exécutif devait aussi se défendre d’une volonté de discrimination religieuse. A la fin de la période de 120 jours, le décret stipule en effet que la priorité sera donnée aux réfugiés persécutés en raison de leur religion, une phrase désignant implicitement les chrétiens de Syrie et d’Irak. 1. Signé vendredi soir, un décret interdit l’entrée à tous les réfugiés, quelle que soit leur origine, pendant 120 jours (de façon indéfinie pour les réfugiés syriens), ainsi qu’à tous les ressortissants de sept pays à majorité musulmane et considérés comme des viviers terroristes par Washington, pendant 90 jours: Iran, Irak, Li bye, Somalie, Soudan, Syrie et Yémen. Y compris pour ceux ayant une double nationalité.