Nice-Matin (Cannes)

Une enquête sabrée et une relaxe à Grasse

- GRÉGORY LECLERC gleclerc@nicematin.fr

« Un dossier mal ficelé. » Devant le tribunal correction­nel de Grasse, Me Gérard Baudoux défendait hier Y. K., 28 ans, suspecté d’être l’auteur de violences aggravées. En l’occurrence un coup de sabre à la sortie d’un établissem­ent de nuit d’Antibes, le 24 décembre dernier. L’avocat a été mesuré. Car « mal ficelé » est un euphémisme. Tel un invertébré, le dossier est arrivé debout, par miracle, à l’audience, avant de s’effondrer sous son propre poids à l’heure du jugement. Les faits sont pourtant graves. Samedi 24 décembre, une bagarre éclate à Antibes vers 5h30 du matin. En ce soir alcoolisé de réveillon, au moins six personnes y prennent part. Le patron d’un club de la rue du 11Novembre tente de s’interposer. Il reçoit alors deux coups de sabre sortis de nulle part dans le dos et au bras gauche. Il témoignait hier, le bras en écharpe. Ses blessures sont très sérieuses. Il n’a pas vu son agresseur. Dans le box, Y. K. clame son innocence. Et la victime, avoue avec honnêteté ne pas l’avoir vu ce soir-là, ou à tout le moins ne pas le reconnaîtr­e. « J’étais là, reconnaît le prévenu, j’ai tenté de m’interposer dans la bagarre, mais je n’ai pas donné de coup de sabre. »

« Un témoin seul aucun témoin »

Au rang de ses propres contradict­ions, il se dit non violent mais son Facebook affiche justement la photo d’un sabre japonais type « Katana ». On a également mis la main chez lui sur une carabine. « Trouvée dans une poubelle », affirme-t-il. Ces éléments en font-ils un coupable? Un vigile, resté à l’abri derrière une vitrine, dira avoir reconnu le prévenu. Problème: la descriptio­n qu’il en fait diffère sensibleme­nt de la manière dont Y. K. était accoutré ce soir-là. « Testis unus, testis nullus » – « untémoin seul, aucun témoin » – plaidera Me Baudoux, pour la défense de ce fonctionna­ire municipal antibois. Malgré un dossier que l’on sent extrêmemen­t fragile dans les débats, le procureur requiert cinq ans dont un avec sursis. On peine à croire que l’on a entendu la même affaire. Le prévenu, sous le choc, s’effondre en larmes dans le box. Heureuseme­nt, le tribunal, présidé par Marc Joando, viendra sauver le dossier du naufrage. Il rendra un jugement digne, en pareil cas, de l’idéal que peut se faire un citoyen de la justice: la relaxe. Reste un problème. Si ce n’est donc lui, qui a donné le coup de sabre? Un fou dangereux se balade à Antibes avec une arme qui aurait pu tuer ce soir-là. Si l’on oublie les béances d’une enquête par trop expéditive, c’est bien là le plus inquiétant.

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