Procès d’une mère infanticide : les mauvais choix de Véronica
Parce qu’elle redoutait une nouvelle séparation avec son fils de 4 ans, Véronica Teixeira, mère célibataire, l’a noyé avant de tenter de se suicider. Elle est jugée depuis hier, à Nice, pour meurtre
Je n’ai pas d’excuse. J’ai pensé au pire au lieu de trouver une solution.» Véronica Teixeira, 29 ans, engoncée dans son anorak, les yeux gonflés par les larmes, explique, entre deux sanglots, pourquoi elle a tué Dixon, son fils unique de 4 ans, l’être qu’elle avait le plus cher au monde. Dès les premières minutes du procès devant la cour d’assises des Alpes-Maritimes, l’ambiance est pesante. On pensait avoir affaire à une malade mentale. Les jurés ont en face d’eux une femme en souffrance qui, malgré sa détresse indescriptible, s’exprime avec une étonnante clairvoyance.
La peur d’être séparée
Le drame remonte à la nuit du 23 au 24 janvier 2014, dans un immeuble de deux étages situé derrière un porche, 221 rue RaymondComboul à Nice. Le corps de l’enfant est découvert le vendredi 24 dans les décombres d’un immeuble soufflé par une spectaculaire explosion en milieu de matinée. La mère, gravement brûlée mais vivante, est transférée dans un hôpital de Marseille. Dès ses premiers mots, elle avoue son crime. Horrible. « Je pensais vraiment partir avec lui », répète-t-elle en réponse aux premières questions du président Patrick Véron. Après avoir échoué à se tailler les veines, elle a ouvert le gaz puis s’est endormie. À son réveil, elle a appuyé sur un interrupteur. La déflagration – énorme – détruira l’immeuble et laissera une dizaine de copropriétaires dans le désarroi. « Qu’aviez-vous en tête à l’époque ? » interroge le magistrat. « En 2013, j’avais perdu mon fils pendant quatre mois. Il a dû être placé, explique l’accusée. Nous étions autant traumatisés l’un que l’autre. » Véronica Teixeira fait référence à sa détention provisoire dans le cadre d’une enquête sur une escroquerie en bande organisée. Endettée, elle avait eu la faiblesse de voler les coordonnées bancaires d’une personne âgée chez laquelle elle effectuait le ménage. Le lundi 2 février, elle devait être jugée par le tribunal correctionnel. Devant la perspective de repartir en prison, d’être à nouveau éloignée de son fils, sans doute confié au père, Véronica a envisagé le pire. « Un enfant est capable de comprendre une séparation quand on lui explique », observe le président Véron, troublé par le comportement de cette mère singulière. « Je n’ai pas eu le temps la première fois. Je l’ai déposé à la crèche. Je ne l’ai revu que quatre mois plus tard. »
Père absent
« Pourquoi ne pas avoir sollicité José, le père de Dixon ? », suggère le magistrat. « Comment s’appuyer sur un père qui n’a jamais été là les trois premières années ? » répond-elle entre deux sanglots. Elle ajoute, en serrant fébrilement son mouchoir : « De toute façon, toutes les solutions auraient été meilleures. Encore une fois, j’ai fait le mauvais choix. » Ce père absent fait écho à sa propre histoire. Véronica n’a jamais connu son géniteur. En choisissant José, elle rompait avec le reste de famille qui n’approuvait pas cette liaison. Le soir du drame, Dixon, qui regardait en boucle les dessins animés de Tchoupi le petit pingouin, venait de s’installer sur les genoux de Véronica. Celle que les voisins et l’enquêteur de la brigade criminelle décrivent comme « une mère très aimante», se métamorphose en tueuse implacable, noyant son fils dans un seau d’eau. Sur le banc de la partie civile, le père de Dixon se cache le visage à l’évocation de l’infanticide. Lui et son avocate Me Gorlier, sont persuadés que Véronica a voulu, à travers ce meurtre, le punir. Une thèse réfutée par les avocats de la défense, Mes Marangoni et Scalabrin. Le président Véron rompt un silence de plomb en s’adressant à l’accusée : « Qu’attendez-vous de ce procès ? » « Jamais de ma vie, je ne m’aurais cru capable d’une telle horreur. [...] Seuls ma mort et le jugement de Dieu me donneront ce que je mérite. »