En politique rien n’est jamais fini
« Cette campagne, décidément ne ressemble à aucune autre. »
Quelque part, au-dedans de lui, Nicolas Sarkozy doit sourire. Car le déjeuner d’hier entre les deux combattants de la primaire de novembre, l’un évincé dès le premier tour, l’ancien président de la République, l’autre vainqueur incontesté du second, François Fillon, en est une démonstration éclatante : en politique, rien n’est jamais fini. On croyait Nicolas Sarkozy sorti du jeu pour longtemps, et le voilà recevant un François Fillon éreinté par toutes les attaques qui pleuvent sur lui depuis près de trois semaines, et lui accordant finalement son soutien. Oubliée la formule terrible : « Qui aurait imaginé le général de Gaulle mis en examen », lancée par François Fillon à l’été, en commençant sa campagne à la primaire. En réalité, il n’était pas question pendant le déjeuner d’hier de pardon, d’excuses ou de retrouvailles amicales. Mais plus simplement du sort de la droite à la prochaine élection présidentielle. Ce n’était pas un raccommodement, mais plutôt un accommodement : comment faire pour que la campagne de François Fillon sorte de l’enlisement où elle patauge depuis les premières révélations du Canard enchaîné ? Telle est la raison essentielle de la rencontre en tête-à-tête d’un ancien Président avec son ancien Premier ministre. Comme la plupart des dirigeants du mouvement républicain, Nicolas Sarkozy est parti d’un constat assez simple : aujourd’hui à quelque soixante jours de l’élection, il est très devenu difficile, pour ne pas dire impossible, de changer de cheval au milieu de la course. Certes, quelques députés LR, sarkozystes mais pas seulement, ont tenté la semaine dernière un dernier combat pour obtenir la désignation d’un candidat de substitution. Manifestement, cette solution n’est pas celle de Nicolas Sarkozy qui a préféré, hier, sauver ce qui pouvait l’être. Garder François Fillon, certes, parce qu’il a, contre vents et marées, la légitimité que lui a conférée l’élection primaire. Quelle instance supérieure des Républicains aurait le pouvoir de désigner un autre candidat face au trois millions d’électeurs de droite et du centre qui ont voté pour lui en novembre dernier ? En outre, si, cédant aux pressions politiques et médiatiques, François Fillon jetait l’éponge, qui prendrait sa place ? Ce ne serait pas le vide, ce serait le trop plein. Nicolas Sarkozy, en « parrain » qu’il est resté, malgré tout, de LR, a tranché. D’accord pour réitérer son soutien à François Fillon à condition que celui-ci fasse l’unité du mouvement, ne s’enferme pas dans ses seules propositions – dont certaines ne font pas l’unanimité au sein des Républicains –, et s’entoure de plus jeunes leaders, capables, dès maintenant de se lancer dans la campagne présidentielle au moment où Fillon reste difficilement audible. Et revoilà François Baroin : Nicolas Sarkozy voulait en faire son Premier ministre. Pourquoi ne deviendrait-il pas le numéro de François Fillon, quitte à faire un « ticket » avec lui ? Drôle d’élection où ce serait un futur Premier ministre qui soit chargé de faire élire un éventuel Président de la République. Cette campagne, décidément ne ressemble à aucune autre.