Nice-Matin (Cannes)

En politique rien n’est jamais fini

- Par MICHÈLE COTTA

« Cette campagne, décidément ne ressemble à aucune autre. »

Quelque part, au-dedans de lui, Nicolas Sarkozy doit sourire. Car le déjeuner d’hier entre les deux combattant­s de la primaire de novembre, l’un évincé dès le premier tour, l’ancien président de la République, l’autre vainqueur incontesté du second, François Fillon, en est une démonstrat­ion éclatante : en politique, rien n’est jamais fini. On croyait Nicolas Sarkozy sorti du jeu pour longtemps, et le voilà recevant un François Fillon éreinté par toutes les attaques qui pleuvent sur lui depuis près de trois semaines, et lui accordant finalement son soutien. Oubliée la formule terrible : « Qui aurait imaginé le général de Gaulle mis en examen », lancée par François Fillon à l’été, en commençant sa campagne à la primaire. En réalité, il n’était pas question pendant le déjeuner d’hier de pardon, d’excuses ou de retrouvail­les amicales. Mais plus simplement du sort de la droite à la prochaine élection présidenti­elle. Ce n’était pas un raccommode­ment, mais plutôt un accommodem­ent : comment faire pour que la campagne de François Fillon sorte de l’enlisement où elle patauge depuis les premières révélation­s du Canard enchaîné ? Telle est la raison essentiell­e de la rencontre en tête-à-tête d’un ancien Président avec son ancien Premier ministre. Comme la plupart des dirigeants du mouvement républicai­n, Nicolas Sarkozy est parti d’un constat assez simple : aujourd’hui à quelque soixante jours de l’élection, il est très devenu difficile, pour ne pas dire impossible, de changer de cheval au milieu de la course. Certes, quelques députés LR, sarkozyste­s mais pas seulement, ont tenté la semaine dernière un dernier combat pour obtenir la désignatio­n d’un candidat de substituti­on. Manifestem­ent, cette solution n’est pas celle de Nicolas Sarkozy qui a préféré, hier, sauver ce qui pouvait l’être. Garder François Fillon, certes, parce qu’il a, contre vents et marées, la légitimité que lui a conférée l’élection primaire. Quelle instance supérieure des Républicai­ns aurait le pouvoir de désigner un autre candidat face au trois millions d’électeurs de droite et du centre qui ont voté pour lui en novembre dernier ? En outre, si, cédant aux pressions politiques et médiatique­s, François Fillon jetait l’éponge, qui prendrait sa place ? Ce ne serait pas le vide, ce serait le trop plein. Nicolas Sarkozy, en « parrain » qu’il est resté, malgré tout, de LR, a tranché. D’accord pour réitérer son soutien à François Fillon à condition que celui-ci fasse l’unité du mouvement, ne s’enferme pas dans ses seules propositio­ns – dont certaines ne font pas l’unanimité au sein des Républicai­ns –, et s’entoure de plus jeunes leaders, capables, dès maintenant de se lancer dans la campagne présidenti­elle au moment où Fillon reste difficilem­ent audible. Et revoilà François Baroin : Nicolas Sarkozy voulait en faire son Premier ministre. Pourquoi ne deviendrai­t-il pas le numéro  de François Fillon, quitte à faire un « ticket » avec lui ? Drôle d’élection où ce serait un futur Premier ministre qui soit chargé de faire élire un éventuel Président de la République. Cette campagne, décidément ne ressemble à aucune autre.

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