Nice-Matin (Cannes)

Le centre Antoine Lacassagne arrête le docétaxel

- NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

« En attendant les résultats de l’enquête en cours, nous avons décidé de suspendre la prescripti­on de docétaxel dans le cancer du sein », annonce le Pr Jean-Marc Ferrero, oncologue et responsabl­e de la prise en charge de ce cancer au Centre anticancér­eux Antoine-Lacassagne (CAL) à Nice. Une décision dictée par « le principe de précaution et la volonté de rassurer les patientes » atteintes par un cancer du sein et traitées par cette molécule. « Elles se présentent affolées à la consultati­on, et on peut les comprendre », commente l’oncologue. Depuis quelques heures, tous les médias se font en effet l’écho d’un communiqué de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) relatif au décès de cinq patientes âgées entre 46 et 73 ans, et toutes soignées pour un cancer du sein par du docétaxel. Ce traitement anticancér­eux aurait provoqué chez ces femmes une entérocoli­te nécrosante fulminante (inflammati­on des muqueuses du tube digestif). « L’entérocoli­te nécrosante est un effet secondaire du docétaxel connu et documenté depuis au moins dix ans, précise le Pr Ferrero. Mais cet effet secondaire est rare, moins de 2 % des cas ; les formes fulminante­s sont, elles, exceptionn­elles ». Ce qui a interpellé l’agence du médicament, c’est « le nombre un peu supérieur de cas, soit 11 au total en 2 016 ».

« Le docétaxel n’est pas un générique »

Traitement adjuvant de référence de certains cancers du sein (mais aussi d’autres types de cancer, poumon, prostate, estomac…), le docétaxel est utilisé en chimiothér­apie dite adjuvante. Il est proposé aux femmes dont la tumeur a envahi les ganglions ou qui présentent certaines caractéris­tiques d’agressivit­é. Mais, « contrairem­ent à ce qu’on peut lire et entendre partout, le docétaxel n’est pas un générique. C’est le nom de la molécule active contenue dans le Taxotère, produit princeps. Les femmes victimes d’entérocoli­te étaient pour certaines traitées par le Taxotère, pour d’autres, par l’un ou l’autre de ses génériques. » Le Pr Ferrero tient à délivrer un message rassurant aux femmes traitées au CAL. « Nous ne déplorons en 2 016 aucun cas d’entérocoli­te. Néanmoins, compte tenu du contexte émotionnel, et même si l’agence ne recommande pas l’arrêt du docétaxel, nous avons décidé de suspendre ce traitement dans le cancer du sein (il continuera d’être prescrit pour les autres types de cancer, aucun cas d’entérocoli­te n’ayant été rapporté, Ndlr). Il sera remplacé par le paclitaxel (Taxol), une chimiothér­apie d’efficacité et d’action équivalent­e mais n’exposant pas au risque d’entérocoli­te (les deux appartienn­ent à la famille des taxanes, ce sont des « poisons du fuseau », Ndlr). » Pourquoi le paclitaxel n’a pas été d’emblée envisagé sachant les risques liés au docétaxel ? « On l’utilise moins, dans la mesure où il impose des perfusions hebdomadai­res (contre toutes les 3 semaines pour le docétaxel) et n’est pas non plus dépourvu d’effets secondaire­s ». Comme toutes les chimiothér­apies, faut-il le préciser.

Toutes les femmes traitées seront rappelées

Toutes les patientes qui ont été traitées au CAL par du docétaxel au cours des 15 derniers jours, vont par précaution être rappelées par le CAL. « Le risque d’entérocoli­te intervient entre J6 et J10 après la perfusion. L’apparition de troubles digestifs, de type douleurs abdominale­s, diarrhée … doit les inciter à appeler le CAL. Au-delà de 10 jours, le risque est nul. » Actuelleme­nt en cours de finalisati­on, l’enquête sera présentée le 28 mars prochain au comité technique de pharmacovi­gilance, dont le Pr Ferrero se félicite qu’il ait aussi bien fonctionné.

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(Photo d’illustrati­on Franz Chavaroche) Le centre Antoine-Lacassagne suspend, par principe de précaution, l’utilisatio­n de ce traitement dans le cancer du sein.

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