La cour des miracles
Jamais, oui, jamais la Ve République n’a connu une telle campagne présidentielle. Ce n’est pas l’incertitude du résultat qui fait sa spécificité mais le climat détestable dans lequel elle se déroule. Comme si nous étions plongés dans une cour des miracles, un espace confus, de non droit, dans lequel tout et n’importe quoi peut être dit et fait. Prenons, tour à tour, les acteurs qui s’agitent dans ce repaire d’aspirants élyséens. Marine Le Pen pour commencer. Grande duchesse de l’extrême droite, inquisitrice du système politique dont pourtant elle vit, donneuse de leçons mais prise aussi dans les affaires, elle paraît d’ores et déjà assurée de figurer au second tour. Mais que propose-t-elle ? Une rupture qui ne trouve son crédit que dans l’échec des gouvernements précédents. Le « pourquoi pas elle » qui la porte traduit un vote désenchanté, nihiliste, celui là-même qui toujours ouvre la voie aux pouvoirs autoritaires. François Fillon n’est pas de la même espèce. En quelques semaines,
cependant, il est devenu le vicomte du reniement. Sans doute est-il victime d’un assaut calculé mais il a reconnu les faits. On ne peut incarner la probité sans être soi-même irréprochable. Deuxième reniement : il avait affirmé qu’il se retirerait s’il était mis en examen. Il dit aujourd’hui le contraire en utilisant de grosses ficelles. Certes, le comportement du Parquet financier est loin d’être irréprochable mais, quand on aspire à diriger l’Etat, on ne remet pas en cause la légitimité de l’autorité judiciaire. C’est pourtant ce qu’il fait pour justifier qu’il ira jusqu’au bout s’il est mis en examen. Emmanuel Macron aura, lui, ruiné son image en quelques heures. Il y avait déjà eu cette sidérante déclaration : « Il n’y a pas une culture française. » Il y a désormais cette phrase prononcée en Algérie: la colonisation est « un crime contre l’humanité, une barbarie ». Ce n’est pas tout : au mois de décembre, il plaidait dans son livre Révolution pour la vente libre du cannabis, le voici partisan de l’interdiction. Dans la cour des miracles de la campagne, il devient le prince de l’ambiguïté. Dans un but électoraliste : ne se voulant ni de droite ni de gauche, il s’adresse à tous les électorats sans souci de cohérence. Sur la culture ou la colonisation, il parle aux banlieues. Puis il corrige le tir et regarde à droite sur le cannabis. Dans cette étrange cour, Benoît Hamon tient le rôle du marquis irresponsable. Parce qu’il a ouvert un débat intéressant sur l’avenir du travail, il promet sans compter. Rien de ce qu’il avance n’est crédible, tout simplement parce que notre pays ne peut le financer. Bref, il drague l’électeur en lui vendant des salades. Reste le baronnet de la colère, Jean-Luc Mélenchon, talentueux tribun mais doué surtout pour l’excès. Contempteur des régimes de Castro et de Chavez, il ne défend que des régimes qui ont échoué. Triste cour.
« En quelques semaines, [Fillon] est devenu le vicomte du reniement. »