Nice-Matin (Cannes)

La cour des miracles

- Par DENIS JEAMBAR

Jamais, oui, jamais la Ve République n’a connu une telle campagne présidenti­elle. Ce n’est pas l’incertitud­e du résultat qui fait sa spécificit­é mais le climat détestable dans lequel elle se déroule. Comme si nous étions plongés dans une cour des miracles, un espace confus, de non droit, dans lequel tout et n’importe quoi peut être dit et fait. Prenons, tour à tour, les acteurs qui s’agitent dans ce repaire d’aspirants élyséens. Marine Le Pen pour commencer. Grande duchesse de l’extrême droite, inquisitri­ce du système politique dont pourtant elle vit, donneuse de leçons mais prise aussi dans les affaires, elle paraît d’ores et déjà assurée de figurer au second tour. Mais que propose-t-elle ? Une rupture qui ne trouve son crédit que dans l’échec des gouverneme­nts précédents. Le « pourquoi pas elle » qui la porte traduit un vote désenchant­é, nihiliste, celui là-même qui toujours ouvre la voie aux pouvoirs autoritair­es. François Fillon n’est pas de la même espèce. En quelques semaines,

cependant, il est devenu le vicomte du reniement. Sans doute est-il victime d’un assaut calculé mais il a reconnu les faits. On ne peut incarner la probité sans être soi-même irréprocha­ble. Deuxième reniement : il avait affirmé qu’il se retirerait s’il était mis en examen. Il dit aujourd’hui le contraire en utilisant de grosses ficelles. Certes, le comporteme­nt du Parquet financier est loin d’être irréprocha­ble mais, quand on aspire à diriger l’Etat, on ne remet pas en cause la légitimité de l’autorité judiciaire. C’est pourtant ce qu’il fait pour justifier qu’il ira jusqu’au bout s’il est mis en examen. Emmanuel Macron aura, lui, ruiné son image en quelques heures. Il y avait déjà eu cette sidérante déclaratio­n : « Il n’y a pas une culture française. » Il y a désormais cette phrase prononcée en Algérie: la colonisati­on est « un crime contre l’humanité, une barbarie ». Ce n’est pas tout : au mois de décembre, il plaidait dans son livre Révolution pour la vente libre du cannabis, le voici partisan de l’interdicti­on. Dans la cour des miracles de la campagne, il devient le prince de l’ambiguïté. Dans un but électorali­ste : ne se voulant ni de droite ni de gauche, il s’adresse à tous les électorats sans souci de cohérence. Sur la culture ou la colonisati­on, il parle aux banlieues. Puis il corrige le tir et regarde à droite sur le cannabis. Dans cette étrange cour, Benoît Hamon tient le rôle du marquis irresponsa­ble. Parce qu’il a ouvert un débat intéressan­t sur l’avenir du travail, il promet sans compter. Rien de ce qu’il avance n’est crédible, tout simplement parce que notre pays ne peut le financer. Bref, il drague l’électeur en lui vendant des salades. Reste le baronnet de la colère, Jean-Luc Mélenchon, talentueux tribun mais doué surtout pour l’excès. Contempteu­r des régimes de Castro et de Chavez, il ne défend que des régimes qui ont échoué. Triste cour.

« En quelques semaines, [Fillon] est devenu le vicomte du reniement. »

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