Nice-Matin (Cannes)

SOS internes en détresse

À Nice, une cellule de soutien, SOS IHN, a été ouverte aux étudiants de l’hôpital. Son objectif, aider les internes et externes en souffrance psychologi­que. Et ils ne sont pas rares dans ce cas...

- MARGAUX GAUBERT

Les internes en médecine ont décidé de se serrer les coudes. À force de jongler entre les cours, l’hôpital et les gardes, le médecin finit souvent par s’oublier. Ils sont nombreux à craquer, à avoir besoin d’aide sans oser la réclamer. « Les médecins sont souvent plus malades que les patients qu’ils soignent », ironise Vincent, interne à l’hôpital et président du syndicat des internes de Nice. Le phénomène est loin d’être nouveau, il est en fait devenu la norme. Aucune spécialité n’est épargnée, toutes produisent des internes « en souffrance ». Cependant, la chirurgie se retrouve en tête de classement. « C’est aussi là que les mentalités ont le plus de mal à changer », confie Vincent.

Une prise en charge anonyme et gratuite

Depuis début janvier, un étudiant en difficulté peut bénéficier d’une « écoute empathique », raconte Robin, médecin psychiatre à l’hôpital de Nice, fraîchemen­t sorti du rang des internes. L’objectif est de favoriser une prise en charge psychologi­que précoce afin d’éviter des situations dramatique­s. Pour Laura, interne chargée de mission à SOS IHN, il était grand temps que cette cellule de soutien voie le jour. « L’attentat du 14-Juillet n’a pas été l’élément déclencheu­r, les internes et externes réquisitio­nnés ce soir-là ont été confrontés à des choses affreuses, et aujourd’hui, certains d’entre eux souffrent encore. On est là pour les soutenir », ajoute-t-elle. À partir de leur 2e année de médecine, les étudiants peuvent contacter SOS IHN anonymemen­t, par téléphone ou par mail. Des internes bénévoles traitent leur demande, les écoutent, et les orientent ensuite systématiq­uement vers un psychiatre externe à l’hôpital. « C’est nous qui prenons leur premier rendez-vous, on leur facilite la tâche au maximum. Ensuite, on les relance, on s’assure que tout s’est bien passé. On est là pour les épauler et leur dire qu’on comprend », détaille Laura. Trois internes bénévoles sont aujourd’hui impliqués et ils souhaitent vivement étendre le projet, rallier des étudiants de différente­s spécialité­s. L’objectif est de pouvoir, en cas de problème, « activer un maximum de leviers », psychologi­ques, hiérarchiq­ues ou encore syndicaux. Les bénévoles ont également pu compter sur l’aide précieuse de leurs responsabl­es administra­tifs et d’une partie de leur hiérarchie, qui trouvent le projet « pertinent et nécessaire ». Robin souligne à quel point un interne peut se sentir seul et incompris même par ses plus proches : « C’est très difficile de parler à sa famille et ses amis. Malgré leur bienveilla­nce, les seuls qui peuvent réellement comprendre sont ceux qui vivent la même chose. » « Vider son sac » directemen­t à un co-interne devient alors le premier pas, facile à franchir, qui permet « d’admettre que l’on va mal, dans un univers où on n’a pas le droit d’aller mal », déplore Vincent.

« Engloutis » par l’hôpital

«Les internes sont des médecins en formation, ils ne sont pas censés être indispensa­bles à leur service. Mais en réalité, ils le sont », constate Vincent. À une activité stressante et aux horaires épuisants, s’ajoutent bien souvent un manque de reconnaiss­ance de leur travail et une ambiance parfois délétère au sein des services. « C’est le culte de la performanc­e et de la compétitio­n », détaille Robin. Il reconnaît aussi de la part des internes, « une vision, souvent idéalisée de la médecine », qui apporte son lot de déceptions et de remises en question une fois l’étudiant impliqué dans l’hôpital. Les internes eux-mêmes se font prendre au jeu. « J’ai vu des étudiants se glorifier de passer 56 heures sans dormir », s’inquiète Vincent. Repousser sans cesse ses limites physiques et mentales est devenu le quotidien de beaucoup d’apprentis médecins.

Un mouvement national

Paris, Marseille, Grenoble ou encore Montpellie­r ont déjà leur structure SOS. Toutes les villes qui abritent une faculté de médecine sont destinées à l’ouvrir. «À Marseille, les demandes de rendez-vous avaient mis du temps à arriver, là, elles sont venues très vite, ça commence vraiment à fonctionne­r », se réjouit Laura. À l’hôpital de la cité Phocéenne, le suicide d’un interne en mars dernier avait accéléré les choses. Les conditions de travail avaient été pointées du doigt. SOS IHN s’est beaucoup inspiré de la structure parisienne, la première à voir le jour en février 2015, en insistant sur l’anonymat de la démarche. « À Paris, ils sont plusieurs milliers d’internes, la masse assure l’anonymat », précise Vincent. À Nice, c’est un peu moins de 650 internes. « On se connaît tous, on ne veut pas que cela soit un frein pour un étudiant qui a besoin d’aide mais hésite à la demander. » Il insiste d’autant plus sur ce point car, selon lui, «tous les internes ont besoin de soutien à un moment ou à un autre ».

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 ??  ?? De nombreux internes en médecine sont confrontés à une détresse psychologi­que pendant leurs études à l’internat des hôpitaux de Nice (IHN). (Photo M. G.)
De nombreux internes en médecine sont confrontés à une détresse psychologi­que pendant leurs études à l’internat des hôpitaux de Nice (IHN). (Photo M. G.)

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