L’heure Juppé?
Toutes les élections présidentielles ont réservé des surprises mais aucune d’entre elles jusque-là ne s’était transformée en drame politique. Or c’est bien ce qui se déroule sous nos yeux depuis plusieurs semaines avec la candidature Fillon. Jour après jour, nous voyons cet homme se battre et peu à peu sombrer, incapable de se poser et de comprendre que son attitude n’engage pas que lui. C’est aussi le destin de sa famille politique qui est en cause, sans parler de la vie quotidienne de sa famille tout court. De toute évidence, sans doute convaincu de ne pas mériter cet acharnement, il n’analyse plus les conséquences de son obstination. Il résiste sans mesurer que le courage qu’il revendique devient fuite en avant. Comme s’il n’avait plus que le suffrage populaire pour se sauver de lui-même. Ira-t-il jusqu’au bout alors que les départs autour de lui deviennent hémorragie ? Ce sont des bataillons entiers qui le quittent. Y compris des fidèles. Sans doute allons-nous voir maintenant de grands barons régionaux républicains se détourner de lui, convaincus qu’avec lui non seulement la défaite présidentielle est certaine mais qu’en se maintenant François Fillon compromet l’avenir même de la droite. Tout le pousse à se désister mais, pour l’heure, il s’accroche à l’espoir d’un dimanche de soutien populaire massif. Pari risqué que ce rassemblement de demain, qui provoque déjà un contre-rassemblement et peut dégénérer en désordre public. C’est cette décision, d’ailleurs, qui accélère les défaillances autour de lui et le mouvement en faveur d’Alain Juppé. Le maire de Bordeaux voudrait reprendre le flambeau après un renoncement officiel de François Fillon. On le comprend. Il n’entend pas porter le poignard car il a vécu, lui aussi, des heures douloureuses dans le passé et peut imaginer ce qui se passe dans la tête d’un homme abandonné et vilipendé. Il a besoin aussi d’un puissant mouvement pour le porter au combat, notamment d’un accord de Nicolas Sarkozy, installé dans le rôle du parrain dont le feu vert est nécessaire. Des questions techniques non négligeables s’imposent aussi. Pas sur le programme : Juppé en a un tout prêt depuis les primaires. Il peut également obtenir très vite les signatures nécessaires grâce à l’appareil du parti Les Républicains. Récupérer les fonds de la primaire sera plus complexe. Six millions sur les , millions rassemblés ont déjà été versés à François Fillon. Le mars prochain la Haute Autorité de la primaire se réunira en assemblée générale pour prononcer la liquidation de ses comptes et verser les , millions qu’elle gère encore. À qui les attribuer si François Fillon ne s’est pas désisté ? Une complexité de plus dans une candidature Juppé suspendue en vérité à l’état psychologique d’un homme qui a cru atteindre le Graal élyséen et voit tout s’effondrer autour de lui. Oui, un drame.