Un simple blâme pour le prétendu avocat du terroriste de Nice Drogue aux Moulins : trois ans et demi de prison à un fournisseur
Froide colère du bâtonnier de Nice, Me Jacques Randon. « J’avais souhaité une peine de suspension d’exercice assortie du sursis. En tout cas cela méritait un avertissement bien plus sérieux que ce qui vient d’être décidé. » Me Corentin Delobel, le faux avocat du terroriste de Nice, a donc écopé d’un simple blâme. La décision a été rendue, en fin de semaine dernière, par le Conseil régional de discipline qui siège à Aix-en-Provence. Nice-Matin ne l’a appris que ce mardi. C’est la troisième formation, présidée par un ancien bâtonnier de Draguignan, Me Danielle Robert, qui a décidé de la sanction. Quelques heures après l’attentat du 14 juillet sur la promenade des Anglais, Me Corentin Delobel s’était présenté face aux médias comme l’ancien avocat de Mohamed Lahouaiej-Bouhlel. Il disait l’avoir défendu lors d’un procès pour violences routières. Juste après le drame, il avait d’ailleurs tenté de « harponner » la rédaction de NiceMatin en laissant entendre, dans un texto qu’il nous avait adressé de son propre chef, « que le nom du terroriste ne lui était pas inconnu » et qu’il avait pu le défendre en correctionnelle. Après vérifications, Nice-Matin n’avait pas donné suite. C’est le véritable avocat du tueur, désigné d’office à l’époque pour le défendre, qui s’était aperçu de l’imposture et avait prévenu le bâtonnier après avoir vu des interviews données par son confrère.
Une sanction qui passe mal
Ce qui n’avait pas empêché Me Delobel de s’exprimer dans de très nombreux médias et sur des chaînes d’information en continu. Y compris dans l’émission « Sept à huit » sur TF1, malgré un premier rappel à l’ordre du bâtonnier de Nice. L’avocat avait pour sa défense évoqué une « méprise ». Le Conseil avait été saisi en juillet par Me Jacques Randon après un conseil restreint de l’ordre des avocats de Nice. Pour avoir emprunté la fausse qualité d’ex-avocat de Mohamed Lahouaiej Bouhlel, le jeune avocat risquait la radiation. Contacté hier par Nice-Matin, Me Corentin Delobel semble vouloir tourner la page. « Vous comprendrez, après ce qui s’est passé, que je ne souhaite plus m’exprimer dans les médias ou donner mon ressenti », nous a-t-il répondu poliment. L’affaire avait causé d’autant plus d’émoi dans la profession qu’une jeune et brillante avocate du barreau de Nice, Myriam Bellazouz, était décédée dans l’attaque terroriste. Au palais de justice de Nice hier matin, la sanction avait du mal à passer chez certains confrères. « Nous nous associons aux mots du bâtonnier», réagit Me Anaïs Delanchy, vice-présidente de l’Union des jeunes avocats de Nice. « Si nous voulons que la profession ait un avenir, il faut également des attitudes irréprochables.» Me Jacques Randon indique qu’il n’entend malgré tout pas faire appel. Reste à savoir ce que fera le parquet général. Il n’est jamais très opportun pour un trafiquant de drogue de se faire remarquer. Etre victime d’un règlement de compte n’est pas gage de discrétion. Or, en 2015, au coeur du quartier sensible des Moulins, Steeve Mabiala, 27 ans, a été pris pour cible, blessé par balle à une jambe. Les policiers spécialisés dans la lutte contre le trafic de drogue de la Sûreté départementale se sont intéressés de près à ses activités occultes. Après plusieurs mois d’enquête, les policiers établissent un organigramme avec Steeve Mabiala à la tête d’un petit réseau. Il est assisté de deux lieutenants. Le trio embauche des petits revendeurs pour inonder le quartier, n’hésitant pas à leur fournir des scooters quand il faut livrer la clientèle. Le fournisseur de cette petite entreprise est Leandro Soares Lopes. Au petit matin du 3 janvier, les policiers de la Brigade des stupéfiants ont appréhendé huit personnes (âgées de 23 à 32 ans), interpellées simultanément. Treize kilo de résine de cannabis, 1,9 kg d’herbe, 250 g de cannabis, la somme de 21 390 euros, six montres de marque ainsi que deux fusils de chasse à canon scié, un gilet pare-balles et un lot de cartouches de calibre 12 et 38, ont pu ainsi être saisis et placés sous scellés. Reporté plusieurs fois à cause d’un des prévenus qui avait demandé l’assistance d’un avocat au dernier moment, la justice a sanctionné les trafiquants. Six d’entre eux ont été placés sous mandat de dépôt. Leandora Soares, 25 ans, a été condamné à 42 mois de prison ferme, 3000 euros d’amende pour un trafic allant de mars 2016 au 1er janvier 2017. Houzali Housnati, 30 ans, a écopé d’un an ferme. Steeve Mabiala a été condamné à trois ans de prison, 3000 euros d’amende, tout comme Shadie Haseny 26 ans. Abdou Housnati, 29 ans, lui devra purger quatorze mois de détention. Deux « nourrices », chargées de garder chez elles la drogue moyennant rémunération, ont été condamnées respectivement à 18 mois et un an de prison. L’affaire n’est pas tout à fait terminée. Un septième suspect sera convoqué en justice le 4 avril prochain tandis qu’un huitième devra s’expliquer sur les armes qu’il possédait.