Nice-Matin (Cannes)

Il filmait sa jeune collègue aux toilettes à son insu

Un Niçois de 38 ans comparaiss­ait hier au tribunal correction­nel de Grasse, pour avoir épié une jeune Antiboise, traumatisé­e depuis, ainsi que des passantes. Le parquet a requis six mois ferme

- CHRISTOPHE CIRONE ccirone@nicematin.fr

C’est juste horrible, ce qu’il a fait. » En pleurs à la barre, devant une salle d’audience bondée hier après-midi, Léa (1), 22 ans, s’arme de courage pour dire son traumatism­e. Juste derrière elle, David, 38 ans, reste prostré sur le banc des prévenus. Ils étaient collègues, bons camarades. Leur relation de confiance s’est brisée net le jour où le commissari­at de Cagnes-sur-mer a appelé Léa pour lui faire part des effarants agissement­s de David envers elle. D’avril à juin 2016, David a filmé sa jeune collègue à son insu, dans la société spécialisé­e dans le BTP où elle travaillai­t en alternance, à Nice. Il l’a filmée à l’aide d’une mini caméra cachée dans les toilettes de leur entreprise, au mépris de sa plus stricte intimité. Il a encore capté des images d’elle au bureau, à l’aide, cette fois, d’un dispositif tout aussi sournois placé sur sa chaussure. Mais David ne s’est pas arrêté là. Papa depuis quelques mois, ce Niçois a cru bon fixer une mini caméra au… landeau de son bébé, pour filmer le postérieur des passantes, voire sous leurs jupes. Il les filmait ainsi au supermarch­é, ou encore au bas des escaliers de la passerelle de la gare, à Saint-Laurent-du-Var. Il faudra toute l’attention d’une passante pour déjouer son petit manège. Fin juin 2016, cette femme confie à la police une mini caméra Panasaonic full HD, trouvée sur le parking d’un supermarch­é à Villeneuve-Loubet. La carte SD contient 90 films d’une demi-minute chacun, tournés à l’insu de dizaines d’inconnues, dont seules se dévoilent quelques bribes. Ces femmes sont impossible­s à identifier. Au contraire du caméraman voyeur.

« Réduit à néant »

Au commissari­at de Cagnes, les enquêteurs du service d’atteinte aux personnes parviennen­t à remonter la trace de David. Placé en garde à vue fin août, il avoue tout. A ses dires, il avait acquis une caméra afin de filmer sa famille. Il aurait ensuite dérapé, se serait pris à ce jeu malsain, excité par la captation des images plus que par leur rendu lui-même. Le psychiatre évoquera «la mise en oeuvre d’un fantasme ». Léa en est la victime principale. Invitée à s’exprimer avec bienveilla­nce par un juge Jean-Yves Segonnes, la jeune Antiboise en reste profondéme­nt marquée. «J’étais bonne élève. J’avais comme projet de faire cette école d’ingénieur. Après ce qui s’est passé, ce sont des années de travail qui tombent à l’eau. Réduites à néant… » Léa a renoncé à son rêve, rare pour une femme, de devenir ingénieur en bâtiment. Elle a raté ses examens à Paris, bouleversé­e d’apprendre que David venait d’être placé en garde à vue. David, licencié depuis pour faute grave, « l’ami en qui elle avait le plus confiance», insiste Me Mouna Jemali. La partie civile réclame au total 55 800 euros pour le préjudice lié aux études, et 10 000 de préjudice moral.

«À la limite du viol»

Repentant, tête basse, David murmure des excuses à Léa. Suivi par un psychiatre depuis, il met sa dérive sur le compte d’« un passage de [s]a vie, un bouleverse­ment lié à la naissance de [s]on enfant ». Son défenseur, Me Charles Abecassis, rappelle que son client n’a jamais eu de geste déplacé envers sa collègue et ces inconnues, jamais tenté de les séduire, jamais déçu sa concubine. «Mais il reconnaît la gravité de ses actes. Le choc est indéniable pour la victime. Et le mal est fait… » «Il n’est pas seulement allé “voir sous les jupes des filles ”, tonne le procureur Alain Guimbard. Vous avez là des

images volées, arrachées à une victime non consentant­e. Nous sommes à la limite du viol ! Il est un peu facile de se draper dans la virtualité d’images volées… » Le procureur requiert un an de prison, dont six mois avec sursis-mise à l’épreuve. Le juge Segonnes rendra son délibéré le 21 mars. (1) Son prénom a été modifié.

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(Photo C. C.) Me Mouna Jemali, partie civile, avec la jeune femme traumatisé­e, hier aprèsmidi, à l’issue de l’audience au palais de justice de Grasse.

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