Migrants : des habitants de la Roya en appellent à l’Europe
Selon eux, l’UE pourrait être plus active pour mettre en place des solutions à cette crise, qui rend la vie difficile dans les communes des Alpes-Maritimes, proches de la frontière avec l’Italie
Un CAO et des PPA, un charabia pour qui ne vit pas à Breil, Sospel, Tende, La Brigue ou encore Saorge, charmants villages de la vallée de la Roya, dans les Alpes-Maritimes. Ils sont à quelques dizaines de kilomètres de la frontière entre l’Italie et la France. Frontière que les migrants franchissent à Vintimille, souvent au péril de leur vie, en espérant gagner une terre d’asile. Une de leur route est cette vallée de la Roya. C’est rarement la France qu’ils choisissent. Ils lui préfèrent nettement l’Allemagne. Le premier, le CAO, qui signifie Centre d’accueil et d’orientation, mériterait d’être créé, en Italie et/ou en France, estime André Ipert, le maire de Breil. Un avis partagé avec les militants de l’association Roya citoyenne. « Cela permettrait aux migrants de se fixer le temps que leurs dossiers soient étudiés. J’ai proposé que Vintimille soit un CAO, en concertation avec la France et l’Italie, sous l’égide de l’Europe », argumente-t-il. André Ipert sera parmi les invités du groupe Nice-Matin, au débat public sur le thème « Migrants, mais que fait l’Europe? », ce jeudi 30 mars au siège du journal. Les seconds, les PPA, sont les Points de passage autorisés. Ils sont en place, empoisonnent la vie des habitants, comme à Sospel, où les contrôles sont incessants et les fouilles de véhicules par les gendarmes systématiques. Des PPA, qui ont permis des reconduites à la frontière y compris de mineurs (lire ci-dessous).
« Les PPA empêchent les demandes d’asile »
Selon Mireille Damiano, qui fait partie d’un collectif d’avocats défendant les droits des migrants, « depuis novembre 2015, la France utilise un dispositif particulier du code des frontières Schengen. Il permet de renforcer les contrôles aux frontières internes sur des Points de passage autorisés. Pour cela, la France a fait une déclaration au Conseil de l’Europe, justifiant sa demande par des raisons de sécurité intérieure et de risques terroristes. Nous, nous disons que les PPA, notamment ceux de Sospel au carrefour Saint-Gervais et de la gare de Breil, n’ont rien à voir avec cela. Les contrôles renforcés qui y sont menés ne concernent que l’immigration et en aucun cas les risques terroristes.» Dans son rapport sur « les violations des droits humains à la frontière française avec l’Italie », publié en février dernier, Amnesty International signale « des cas de détournement de procédure. » Ily est question de migrants interpellés – dans la vallée de la Roya par exemple – « pour lesquels la décision de refus d’entrée sur le territoire français, notifié par les forces de l’ordre, indiquait, à tort, qu’ils avaient été arrêtés à un PPA. Juridiquement, cela permet de les renvoyer plus facilement en Italie », résume Martine Landry, 72 ans, observatrice pour cette organisation non gouvernementale (ONG). « Cela rend extrêmement difficile, voire impossible, le dépôt d’une demande d’asile, dénonce-t-elle. Surtout pour les migrants à la peau noire, systématiquement contrôlés. » Ni Marie-Christine Thouret, maire de Sospel, ni la préfecture des Alpes-Maritimes n’ont souhaité s’exprimer sur ces PPA.
Mieux accueillir les migrants
René Dahon, 70 ans, doit comparaître le 16 mai pour avoir transporté deux mineurs et un adulte, d’origine érythréenne, en situation irrégulière. Ce Saorgien, qui participera au débat proposé par NiceMatin et Var-matin, dénonce la multiplication de ces PPA, et les contrôles discriminatoires. « Aucune frontière n’empêchera ces migrations. Certains disent qu’il pourrait y avoir des terroristes parmi ces migrants. Mais ce sont surtout des Érythréens et Soudanais qui passent par chez nous. À 95 %. Les autres sont des Tchadiens, Guinéens, Ivoiriens. Si on leur donnait la possibilité d’étudier au cas par cas leurs dossiers de demandeurs d’asile, en les accueillant de manière décente, au sein d’un CAO par exemple, il n’y aurait pas des passages de frontières intempestifs, avec des morts toutes les semaines, comme c’est le cas en ce moment. Et les autorités auraient le temps d’identifier les terroristes. » « Sur un plan humain, comme du droit, je ne suis pas sûr que l’on ait fait ce qu’il fallait. Quelque part, on a failli », regrette André Ipert. Il faut que l’Europe s’implique plus. » Justement, l’un de ses fonctionnaires, chargé des migrations, Olivier Onidi, sera jeudi à Nice pour en débattre.