Nice-Matin (Cannes)

Festival de séries

Au MipTV de Cannes, l’acteur Jalil Lespert préside un jury des séries. Fleur Pellerin y présidera le premier Festival internatio­nal du genre, en .

- ALEXANDRE CARINI acarini@nicematin.fr

Avec franchise et maladresse, elle avait avoué n’avoir pas eu le temps de lire Modiano, lorsqu’elle était ministre de la Culture. À la tête d’un fonds d’investisse­ment privé depuis son éviction du gouverneme­nt et sa démission de la fonction publique, Fleur Pellerin devra néanmoins consacrer quelques nuits insomniaqu­es au visionnage de séries TV. La brillante énarque de 43 ans est désormais présidente bénévole du Festival internatio­nal Cannes séries, dont la première édition est programmée au printemps 2018. Durant le MipTV, la voilà de nouveau sur la Croisette pour présenter cette ambitieuse manifestat­ion. Sans tapis rouge, ni montée des marches en tenue de gala. Mais avec la volonté que cette grande messe cathodique (et numérique) acquiert une aura comparable à son grand frère du 7e art. Wonder woman ?

Pourquoi avoir accepté cette présidence bénévole ?

J’aime l’idée d’un projet global, avec un festival autour d’un marché déjà existant, mais aussi toute une réflexion sur la formation. Ministre, je m’étais déjà rendue à Los Angeles pour des partenaria­ts avec des showrunner­s et scénariste­s. Là, nous collaboron­s avec l’Université d’UCLA, la meilleure en la matière. Nous allons créer un écosystème lié à la production et la post-production dans la Région, qui bénéficie du crédit d’impôt sur les tournages de fiction. Les studios en région parisienne sont en surégime, et il y a de vrais besoins en ProvenceAl­pes Côte d’Azur.

Le Festival sera populaire ?

Il sera fidèle aux gens qui regardent des séries, avec beaucoup d’éclectisme et de créativité. Grâce à sa qualité artistique, le genre a désormais acquis ses lettres de noblesse, les plus grands réalisateu­rs s’y intéressen­t. La série dispose de moyens conséquent­s et offre une liberté formelle. Ce festival devra attirer le grand public, tant les génération­s de Twin Peaks que nos enfants des web séries. Ce ne sera pas un événement élitiste.

Votre relation avec le maire David Lisnard, qui n’était pas du même bord politique ?

Ni lui ni moi ne sommes sectaires, on s’est tout de suite bien entendu. On va travailler ensemble et j’ai l’impression d’être à nouveau dans une démarche de start-up qui se construit à partir du MipTV. On va constituer une équipe restreinte d’une dizaine de personnes, notamment au poste clé de sélectionn­eur, avec des profils enthousias­tes et dynamiques.

Vous incarnez aussi une passerelle avec l’Asie, où le genre est prolifique ?

La Corée produit énormément de séries à succès pour l’Asie du SudEst, dont les acteurs sont des stars. À l’image des mangas, il y a de tout, romantisme, thriller…

Et vous, vos séries préférées ?

J’ai suivi leur évolution depuis  h. Je trouve que Narcos ,sur Pablo Escobar, est très bien écrite et jouée. Et puis True Detective, Breaking Bad… J’en regarde un peu la nuit, même si ce n’est pas raisonnabl­e car ça fait coucher tard, et le week-end. Je me souviens aussi du Prisonnier ,de Chapeau melon et bottes de cuir et surtout de Wonder Woman !

Le ministère de la Culture a opté pour Lille plutôt que Cannes ou Paris pour créer une Festival des séries. Partisan?

Je pense qu’il y a de la place pour plusieurs festivals, mais nous allons nous concentrer sur Cannes séries, qui a la capacité d’être un très bel événement. Désormais, mes choix sont guidés par l’enthousias­me, j’ai une liberté retrouvée, et c’est un luxe de ne plus entrer dans des considérat­ions politiques.

Ce Festival, c’est aussi une revanche sur votre éviction du gouverneme­nt ?

Pas du tout. Je dirige une entreprise qui marche très bien, j’ai une vie épanouissa­nte, il y a peu de reconversi­ons aussi réussies. Je n’ai pas de compte à régler, et je suis même plutôt contente de ce qui m’est arrivé depuis un an et demi.

Le buzz médiatique sur Modiano, ça vous a blessée ?

L’exposition est dure, mais si l’on est trop sensible à ça, il faut faire un autre métier. J’ai beaucoup de recul et d’humour sur moi-même. Mais j’ai regretté de voir cela exploité pour nuire à mon action de ministre. J’ai eu le Bac à  ans, j’ai étudié dans de grandes écoles ; si je ne savais pas lire, je n’aurais pas eu ce parcours. J’ai travaillé à l’intérêt général, et il est gênant qu’un tel buzz puisse vous rendre moins efficace dans votre action publique. J’espère néanmoins que ce n’est pas cette raison-là qui a mis fin à mes fonctions, car ce serait ridicule. Ce qui importe, c’est la vision d’une politique culturelle et des réformes à faire. Surtout en ce moment, où les Français doivent renouer le lien avec la République et la Nation. Et la culture est essentiell­e pour ça. Malheureus­ement, ce n’est pas du tout cette vision qui a présidé le quinquenna­t.

Enfant adoptée d’origine coréenne, vous étiez représenta­tive en tant que ministre de la diversité ?

Moi, je ne suis pas biculturel­le, donc je ne me sens pas du tout une représenta­nte de la diversité. Mais quand je suis devenue ministre, je me suis rendu compte à quel point la communauté asiatique de France était contente d’être représenté­e. Moi, je misais davantage sur mon action culturelle pour intégrer ces personnes.

Fière de votre bilan ministérie­l ?

À l’Économie numérique, l’innovation et les PME, j’ai été très contente d’insuffler la dynamique « French Tech ». Aujourd’hui, la France n’est pas seulement considérée à l’étranger pour son patrimoine, son histoire, son art de vivre ou son luxe, mais reconnue aussi comme un pays technophil­e. J’ai également lancé le plan France très haut débit. Et à la culture, je n’ai pas à rougir, avec des actions pour favoriser la jeune création, le street art et le numérique, la lecture pour les jeunes. Le crédit impôt sur la production en musique, cinéma, jeux vidéo a entraîné une relocalisa­tion des tournages en France, et l’accueil de production­s étrangères comme Dunkerque, le prochain film de Christophe­r Nolan.

Proche de Manuel Valls, vous le suivez vers Emmanuel Macron ?

Même si je savais pour qui voter, je ne vous le dirais pas car je ne fais plus de politique. Je réfléchis encore, j’attends les débats. Mais cette campagne façon House of cards m’attriste, car on vit un moment très critique de notre histoire, nous n’avons pas tout à fait absorbé la mondialisa­tion, il y a un hiatus entre ceux qui en profitent et ses exclus, et je n’entends pas les candidats là dessus. De même sur le lien avec la Nation, la laïcité et le rapport à la culture française.

Vous êtes venue deux fois au Festival du film. Impression­s ?

En tant que cinéphile, j’ai été très frustrée car en représenta­tion officielle, on voit très peu de films, mais Cannes, c’est totalement magique. J’ai été marquée par La tête haute, le film d’Emmanuelle Bercot. Voir émerger un jeune acteur comme Rod Paradot, c’était touchant.

Si vous étiez héroïne de série ?

Le personnage de Robin Wright dans House of cards. Sinon, Wonder Woman, pour les supers pouvoirs… et le short !

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 ?? (Photo Frantz Chavaroche) ?? Fleur Pellerin était venue à Cannes en tant que ministre de la Culture. Elle y revient comme présidente du Festival des séries.
(Photo Frantz Chavaroche) Fleur Pellerin était venue à Cannes en tant que ministre de la Culture. Elle y revient comme présidente du Festival des séries.

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