Nice-Matin (Cannes)

Jalil Lespert président

Au MipTv, l’acteur-réalisateu­r doit juger un panel de séries internatio­nales. Un genre que le héros de Pigalle a toujours affectionn­é, lui qui a initié la réalisatio­n de Versailles

- acarini@nicematin.fr

Le Petit lieutenant a bien grandi. Bien vieilli aussi. Barbe poivre sel sur visage émacié, Jalil Lespert n’a plus la gueule du jeune premier césarisé pour Ressources humaines. Mais la silhouette alerte de ce quadra typé lui fait gagner en densité. Dans la série Pigalle, il illuminait le monde de la nuit glauque par sa force erratique. Derrière la caméra, il a également fait briller Versailles, la série de Canal + dont il a réalisé les deux premiers épisodes. Au MipTV de Cannes, le voilà dans le rôle (réel) d’un président de jury, qui doit juger quelques séries internatio­nales. Affable, réfléchi, Jalil Lespert nous a accordé sa pausecafé, dans le salon du Carlton. ALEXANDRE CARINI

Vous avez vu de bonnes séries au MipTV ?

Certaines s’annoncent formidable­s et pleines de promesses. Il y a une série allemande sur Berlin en , avant l’émergence du nazisme, une SF française intitulée Missions (bientôt sur OCS) qui traite d’une expédition sur Mars, et une autre brésilienn­e, sur les émeutes en prison.

Les séries, un genre qui vous parle ?

Aujourd’hui, on en constate l’émergence, mais j’en suis friand depuis longtemps. J’ai joué dans Pigalle quand peu d’acteurs de cinéma osaient s’aventurer sur ce terrain-là. La série développe souvent une histoire forte décomplexé­e, moderne. Elle se décline sur différents supports, et l’on peut suivre l’histoire comme un roman, n’importe où, n’importe quand, ça crée un lien plus adulte et plus intime.

« Pigalle », une belle expérience ?

Super aventure ! Cette série représenta­it quelque chose d’unique à l’époque. Au fond, elle a gagné à ne durer qu’une seule saison, même s’il était question d’une deuxième. [sourire] Peut-être qu’un jour, on aura envie de reprendre…

Versailles, derrière la caméra ?

C’était fantastiqu­e, quelque chose de complèteme­nt nouveau en France, à dimension internatio­nale. Je devais réaliser le pilote, superviser le casting, ça m’a pris un an de préparatio­n. Et puis, il s’agissait de recréer une période baroque avec des costumes invraisemb­lables, tout en faisant moderne. C’est la cour du Roi Soleil, mais avec irrévérenc­e. C’est un peu trash, c’est rock !

Vos séries préférées ?

Quand j’étais môme, j’avais adoré Magnum ,avecdes personnage­s géniaux et une enquête à chaque épisode. Après, ce fut les Soprano, sur la mafia newyorkais­e. Et les dernières qui m’ont bien claqué, dans des genres bien différents, ce sont West World et The girlfriend experience.

Vous avez aussi vécu votre premier Festival du film à Cannes l’an dernier ?

Sur les marches, ça met quand même la pression ! Peut-être parce que l’on se retrouve mitraillé par les photograph­es, sous les projecteur­s, chez nous en France. Mais ce qui m’a rassuré sur Cannes, c’est qu’à la sortie de la projection de Loving, tous les gens du métier, producteur­s et distribute­urs compris, ne parlaient que du film. Finalement, nous sommes tous unis par ça, la passion du cinéma.

Vous avez longtemps eu l’image du « gentil, bon garçon, bonne tête de gendre sexy », comme écrit un portrait de Libération. Ça vous correspond?

Ah ça, il faudrait demander à mon ex-belle mère ! [rires] C’est vrai qu’au début, j’ai eu beaucoup de rôles de jeunes candides un peu innocents, et ça a pu m’agacer. Mais avec le recul je me dis que j’ai déjà eu beaucoup de chance qu’on m’offre de beaux rôles. L’image, je m’en fous un peu maintenant, car avec la réalisatio­n, je me suis construit un truc en dehors de l’actorat. Quand je joue, je profite uniquement du moment, je suis là juste pour kiffer un rôle, sans plan de carrière.

Le Petit lieutenant a bien grandi ?

Je suis fier de ma liberté d’acteur, et de n’avoir pas été qu’un phénomène de mode.

Après Mitterand dans Le promeneur… vous accompagne­riez quel candidat à la présidence aujourd’hui ?

Y en a déjà une que je n’accompagne­rais pas ! Et avec un autre, je me ferais du souci pour mon portefeuil­le. J’ai toujours été socialiste et Benoît Hamon a fait certaines bonnes propositio­ns, mais le PS s’enlise. Je pense voter Macron car face au danger FN, il ne faut pas jouer avec le feu.

Vos racines algérienne­s ?

Quand j’ai été récompensé pour Ressources humaines, Eric et Ramzy m’ont sauté dessus en criant : «T’es le premier rebeu qui gagne un César ! » Moi, je n’en ai pas souffert et je n’ai pas de revendicat­ion, mais je suis sensible à la discrimina­tion. Et je suis assez favorable aux quotas, pour créer des habitudes.

Et si vous étiez le héros d’une série à venir ?

Ah, c’est dur à dire… Un truc un peu “Jason Bournien”, avec de l’action et du suspens. Un good guy, mais un peu dark !

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(Photo Gilles Traverso)

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