Symphonique “mouginoise” réussie avec l’orchestre régional de Cannes
La « Scène 55 » a fait une nouvelle fois salle comble avec la venue du Ballet National de Marseille qui a triomphé dans une pièce d’une rare densité chorégraphiée par Emio Greco et Pieter C. Sholten dans une écriture exigeante pour les douze danseurs qui l’interprètent. Sur les respirations et les murmures d’une bande sonore créative, un danseur soliste au visage et au geste expressif apparaît, bientôt rejoint par un groupe compact de danseurs masqués. Peu à peu, les masques tombent. Les spectres dévoilent à la fois leur visage et leur humanité, le groupe éclate en individualités expressives et les battements de coeur qui animent ce monde sans couleur offrent aux personnages une vie et une lumière intérieure que suggère une gestuelle complexe mais parfaitement maîtrisée. Cette créativité constitue le fil conducteur de cette pièce dans laquelle l’intensité et l’intériorité de la pensée sont le support du travail technique particulièrement physique que requiert l’écriture chorégraphique. Des moments apaisés mettent en valeur la plasticité des corps et une étude précise des mouvements.
Un hymne à la beauté des corps et des âmes
Un beau travail d’ensemble, et de belles individualités, un souci du détail qui, avec notamment un travail très intéressant sur les regards, d’habiles passages musicaux marquant la transition entre une danse classique nourrie de tradition et une danse contemporaine inventive comme pour mieux suggérer l’idée de liberté laissent le public qui vit au rythme de la respiration des danseurs, sous l’emprise d’une émotion palpable. On en oublie presque les références musicales de la bande sonore (La Marseillaise y est très présente) pour ne plus considérer que l’épure de cette danse qui, pour être d’une haute technicité, reste un hymne à la beauté des corps et des âmes et s’achève dans un message d’espérance qui emporte une adhésion sans réserve. Les spectateurs ont offert une formidable ovation aux créateurs et aux interprètes mettant un point final triomphal à une soirée qui honore la danse contemporaine et une programmation de qualité. La « Scène » a vécu son premier grand concert symphonique lors d’une soirée de gala inaugurale autour de l’orchestre régional de Cannes Provence Alpes-Côte d’Azur, à l’invitation du maire Richard Galy et de la présidente de l’orchestre Anny Courtade. Le public n’avait pas laissé une place libre pour découvrir cette salle magnifique et confortable dans laquelle de futurs aménagements acoustiques ne manqueront pas de permettre aux interprétations d’atteindre leur pleine dimension. Les auditeurs ont applaudi un programme consacré à Beethoven avec l’ouverture « la consécration de la Maison opus » et la fameuse cinquième symphonie et les « Tableaux d’une exposition » de Moussorgski, dans une version originale mêlant l’orchestre traditionnel aux instruments de l’orchestre de percussions de la Côte d’Azur composé d’élèves des conservatoires de Cannes, Grasse et Nice. Sous la direction d’un jeune chef invité, Adrien Perruchon, les spectateurs ont redécouvert avec plaisir l’architecture et la richesse thématique de cette symphonie emblématique du génie beethovénien même s’il manqua un peu de cette profondeur d’expression, de ce « supplément d’âme » qui envahit le coeur et l’esprit à l’écoute de ce chef-d’oeuvre. Voilà donc baptisé sous le sceau de la musique symphonique, un lieu qui nous offrira – à n’en pas douter dans le futur – beaucoup d’autres émotions musicales.