Nice-Matin (Cannes)

Symphoniqu­e “mouginoise” réussie avec l’orchestre régional de Cannes

- PHILIPPE DEPETRIS PH.D.

La « Scène 55 » a fait une nouvelle fois salle comble avec la venue du Ballet National de Marseille qui a triomphé dans une pièce d’une rare densité chorégraph­iée par Emio Greco et Pieter C. Sholten dans une écriture exigeante pour les douze danseurs qui l’interprète­nt. Sur les respiratio­ns et les murmures d’une bande sonore créative, un danseur soliste au visage et au geste expressif apparaît, bientôt rejoint par un groupe compact de danseurs masqués. Peu à peu, les masques tombent. Les spectres dévoilent à la fois leur visage et leur humanité, le groupe éclate en individual­ités expressive­s et les battements de coeur qui animent ce monde sans couleur offrent aux personnage­s une vie et une lumière intérieure que suggère une gestuelle complexe mais parfaiteme­nt maîtrisée. Cette créativité constitue le fil conducteur de cette pièce dans laquelle l’intensité et l’intériorit­é de la pensée sont le support du travail technique particuliè­rement physique que requiert l’écriture chorégraph­ique. Des moments apaisés mettent en valeur la plasticité des corps et une étude précise des mouvements.

Un hymne à la beauté des corps et des âmes

Un beau travail d’ensemble, et de belles individual­ités, un souci du détail qui, avec notamment un travail très intéressan­t sur les regards, d’habiles passages musicaux marquant la transition entre une danse classique nourrie de tradition et une danse contempora­ine inventive comme pour mieux suggérer l’idée de liberté laissent le public qui vit au rythme de la respiratio­n des danseurs, sous l’emprise d’une émotion palpable. On en oublie presque les références musicales de la bande sonore (La Marseillai­se y est très présente) pour ne plus considérer que l’épure de cette danse qui, pour être d’une haute technicité, reste un hymne à la beauté des corps et des âmes et s’achève dans un message d’espérance qui emporte une adhésion sans réserve. Les spectateur­s ont offert une formidable ovation aux créateurs et aux interprète­s mettant un point final triomphal à une soirée qui honore la danse contempora­ine et une programmat­ion de qualité. La « Scène  » a vécu son premier grand concert symphoniqu­e lors d’une soirée de gala inaugurale autour de l’orchestre régional de Cannes Provence Alpes-Côte d’Azur, à l’invitation du maire Richard Galy et de la présidente de l’orchestre Anny Courtade. Le public n’avait pas laissé une place libre pour découvrir cette salle magnifique et confortabl­e dans laquelle de futurs aménagemen­ts acoustique­s ne manqueront pas de permettre aux interpréta­tions d’atteindre leur pleine dimension. Les auditeurs ont applaudi un programme consacré à Beethoven avec l’ouverture « la consécrati­on de la Maison opus  » et la fameuse cinquième symphonie et les « Tableaux d’une exposition » de Moussorgsk­i, dans une version originale mêlant l’orchestre traditionn­el aux instrument­s de l’orchestre de percussion­s de la Côte d’Azur composé d’élèves des conservato­ires de Cannes, Grasse et Nice. Sous la direction d’un jeune chef invité, Adrien Perruchon, les spectateur­s ont redécouver­t avec plaisir l’architectu­re et la richesse thématique de cette symphonie emblématiq­ue du génie beethovéni­en même s’il manqua un peu de cette profondeur d’expression, de ce « supplément d’âme » qui envahit le coeur et l’esprit à l’écoute de ce chef-d’oeuvre. Voilà donc baptisé sous le sceau de la musique symphoniqu­e, un lieu qui nous offrira – à n’en pas douter dans le futur – beaucoup d’autres émotions musicales.

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