Nice-Matin (Cannes)

Sécurité civile: quand le salut vient des airs

Ils sauvent chaque année plus de 500 vies. Reportage sur la base de l’hélicoptèr­e et auprès des hommes qui intervienn­ent dans des situations souvent périlleuse­s

- GRÉGORY LECLERC gleclerc@nicematin.fr

Leurs nerfs, emmêlés aussi étroitemen­t que les commandes de l’appareil, travaillai­ent à l’unisson. Rouages intelligen­ts de la frêle et puissante machine qui les emportait, le même fluide circulait entre eux. » Règne à la base de la Sécurité civile de Mandelieu comme un air d’escadrille cher à Joseph Kessel, auteur du roman L’équipage, cité ici. Ces sauveteurs venus du ciel sauvent chaque année en moyenne 530 personnes. Leur escadrille à eux, toutes proportion­s gardées, est basée dans un hangar de 1600 m2, où ils décollent, vivent, dorment parfois. Leur mission : s’envoler vers des drames pour en extirper la vie. Ici se côtoient des sapeurs pompiers du Groupe milieux périlleux (GMP), des hommes du Peloton de gendarmeri­e de haute montagne (PGHM), de la CRS06 Montagne.

Beaucoup d’anciens de l’armée

Et aussi, évidemment les pilotes et mécanicien­s de l’hélicoptèr­e EC 145 d’Airbus, nom de code Dragon 06. Une machine « couteau suisse » de deux fois 750 chevaux, tout aussi capable de partir sur une mission en mer que d’hélitreuil­ler un randonneur perdu dans le fond d’un canyon. Chaque jour, ils sont huit à être de veille. Ces hommeslà engagent leur vie pour en sauver d’autres. « Il n’est pas tout à fait normal de mettre une machine de trois tonnes en vol. L’apesanteur nous le rappelle régulièrem­ent », sourit Denis Bernard, 51 ans, pilote et chef de base. Et pourtant le Dragon 06 n’a pas enregistré d’accident grave. Avec Patrick Pons et Marc Tripier, ils sont trois à faire voler la machine. Tous des anciens de l’armée, comme une majorité de ceux qui travaillen­t sur cette base. Beaucoup sortent des rangs de l’Aviation légère de l’armée de terre (Alat). Nous avons pu vivre à leurs côtés, partager des missions d’exercice. Ce qui frappe, c’est l’engagement, le profession­nalisme mis en oeuvre à chaque sortie. Lorsque retentit la ligne d’urgence dans tout le bâtiment, il ne leur faut que quelques secondes pour rejoindre, à grandes enjambées, le bureau du pilote. Détail frappant : personne ne court. Et pourtant, douze minutes plus tard, ils seront en l’air. Massés dans le bureau du pilote, ils analysent, soupèsent, scrutent chaque paramètre de l’interventi­on à venir. Météo, contexte du terrain, type de blessures de la victime. « Quand tout ceci est fait, la machine est préparée, adaptée », commente Denis Bernard.

 secondes plus tard, l’hélico décolle

L’équipe qui décollera est choisie au sein des différents corps de métiers de permanence ce jour-là, pour coller au mieux à la mission. « Ces hommes savent tout faire en matière de sauvetage périlleux. » Puis viennent l’embarqueme­nt et ces trois minutes incompréhe­nsibles de check-list et de mise en route de l’appareil. 720 secondes après l’appel, l’appareil est en l’air. « La plus grosse erreur qu’on puisse faire, c’est partir en courant. Tout le monde doit être calme, conditionn­é, préparé », analyse Denis Bernard. 90 % de leurs sorties sont des interventi­ons sur le terrain : motard accidenté, skieur blessé, randonneur tombé. Leur lot quotidien. Ces hommes endurcis vivent avec un stress géré à la perfection, unissant leur talent, leur expérience - un pilote de la Sécurité civile doit avoir au minimum 2500 heures de vol et de nombreuses habilitati­ons - avec un sens de l’équipe indéfectib­le. Au total ce sont une centaine d’hommes qui côtoient la base, des plongeurs, des pompiers, des gendarmes, des policiers, des médecins, des mécanos, des pilotes. Le Dragon 06 effectue parfois des vols jusqu’en Corse, pour des missions pédiatriqu­es par exemple, ou comme à l’occasion du drame du Cirque de la Solitude, sur le GR20 en juin 2015. Une douzaine de touristes avaient été emportés par un glissement de terrain. Bilan, sept morts. L’hélicoptèr­e avait également été le premier sur les dramatique­s inondation­s d’octobre 2015 dans les Alpes-Maritimes, volant toute la nuit. Cette année-là, ils ont secouru 700 personnes. Le Dragon 06 effectue plus de cent heures d’interventi­ons de nuit chaque année. Leur escadrille veille. En attente de la prochaine alerte.

 ?? (Photos Franz Chavaroche) ?? Le Dragon  effectue entre  et  hélitreuil­lages par an. Ci-dessus l’hélico à Gourdon, ou à Gréolières de nuit (en haut à droite) avec un homme de la CRS  Montagne en cours d’hélitreuil­lage. A droite, des pompiers du Groupe milieu périlleux...
(Photos Franz Chavaroche) Le Dragon  effectue entre  et  hélitreuil­lages par an. Ci-dessus l’hélico à Gourdon, ou à Gréolières de nuit (en haut à droite) avec un homme de la CRS  Montagne en cours d’hélitreuil­lage. A droite, des pompiers du Groupe milieu périlleux...

Newspapers in French

Newspapers from France