Nice-Matin (Cannes)

Les lendemains qui chantent de Jean-Luc Mélenchon

- Par MICHÈLE COTTA

Qu’a-t-il de changé, Jean-Luc Mélenchon ? Le voilà qui chaque jour se rapproche du trio de tête présidenti­el. De meetings, hier encore à Châteaurou­x, en débat télévisé, à cinq ou tout seul, il creuse son chemin, électrisan­t les auditoires, les faisant tour à tour rire ou applaudir, l’ovationner, ou l’écouter, tout simplement, quand il leur parle de Victor Hugo ou de George Sand. Il a même été, hier, à la tribune, sans qu’on entende une mouche voler, jusqu’à expliquer la significat­ion, largement inconnue de ses militants, admiratifs ou béats, du mot « Anthropocè­ne ». Vous ne savez pas ce que cela veut dire ? Eux non plus. C’est alors que le tribun se fait professeur et que Mélenchon explique, en quelques secondes, en profitant pour parler d’écologie, qu’il s’agit de l’histoire de la Terre depuis que l’homme existe. Il faut dire qu’il en a du talent, Jean-Luc Mélenchon, marchant de long en large sur la scène, devant des milliers d’hommes et de femmes aux anges lorsqu’ils l’écoutent, souriant à ses bons mots ou s’indignant avec lui. Qu’il mène « Le voilà devenu

par le bout presque une star de la du nez et où il veut, politique, alliant humour

avec une et juste assez de colère

éloquence pour rester un tribun hors du commun. populaire. » Qu’a-t-il de changé, donc, aujourd’hui, Jean-Luc Mélenchon ? Un peu plus de bouteille, sans doute, depuis sa première campagne présidenti­elle de . Une apparence nouvelle : plus de foulard rouge, un costume bleu, toujours de la même coupe, des cheveux qui ont beaucoup blanchi en cinq ans. Et puis, surtout, une sorte de sagesse qui lui est venue sur le tard. Il rappelle lui-même qu’il a aujourd’hui  ans. Il se disait insoumis, il était imprévisib­le, passant facilement de la colère à l’imprécatio­n, se battant comme don Quichotte contre tous les moulins à vent. Aujourd’hui, le voilà devenu presque une star de la politique, alliant humour et juste assez de colère pour rester un tribun populaire. Sans faire peur, se voulant, comme François Mitterrand autrefois, nouvel héros d’une France tranquille. Et puis, évidemment, les planètes lui sont favorables. Son adversaire principal, François Hollande, ne se représente pas. Benoît Hamon, qui aurait pu lui contester le leadership de la gauche, encalminé dans les mésaventur­es du Parti socialiste, perd du terrain chaque jour. François Fillon, empêtré, ne parvient pas à décoller de son « noyau dur », Marine Le Pen, elle aussi aux prises avec la justice, certes toujours en tête de la course, voit arrêter sa progressio­n. Et Emmanuel Macron semble parfois, à juste ou injuste titre, fragile. Cela ne suffira sans doute pas pour que la VIe République, celle que Jean-Luc Mélenchon appelle de ses voeux, triomphe au soir du  mai prochain. Pour que son programme – réduction du temps de travail, augmentati­on du Smic, embauche de   fonctionna­ires, retraite à  ans –, soit adopté, par un coup de baguette magique, par les Français. Une chose est certaine : au lendemain du second tour, c’est sans doute autour de lui que la gauche se retrouvera, abolissant les frontières entre frondeurs socialiste­s et révolution­naires tranquille­s.

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