De la mosquée En-Nour Mécénat ou abus de bien social ?
Selon une estimation datant d’avril 2015, le montant des travaux d’aménagement de la mosquée s’élevait à 755 794,15 euros très précisément. Si ce n’est que cette somme n’a jamais été réglée aux entreprises prestataires. Comme en témoignent plusieurs attestations signées de leurs gérants, ces sociétés commerciales ont, pour la plupart, effectué les travaux « bénévolement » dans le but de « soutenir le projet » porté pour l’association En-Nour.
Des factures passées en pertes et profits Me Ouassimi Mebarek confirme d’ailleurs que la mosquée n’a eu que l’embarras du choix : « De très nombreuses entreprises nous ont spontanément proposé leur aide. Et nous avons également reçu des dons matériels de toute la France.» Pas d’argent en revanche. Me Mebarek assure que pas un centime « n’a transité par les comptes de l’association » qui aurait fait face à l’intégralité des travaux grâce au mécénat de ces sociétés. « Une trentaine d’entreprises ont choisi de ne pas nous réclamer le paiement de leur facture, détaille l’avocat. Et quatre ou cinq autres avaient fait valoir une clause de retour à meilleure fortune. Nous avons d’ailleurs commencé à les rembourser.» Ces dernières se sont-elles montrées plus prudentes que les autres ? Car, comme le souligne la mairie dans son signalement au parquet, ces dons émanant d’entreprises et non de particuliers pourraient constituer des abus de biens sociaux. Dans le cadre de l’enquête désormais ouverte sur le financement de la mosquée, ces entrepreneurs bénévoles qui ont participé à la rénovation du bâtiment pourraient se voir reprocher d’avoir fait supporter des frais à leur société, sans en exiger la contrepartie financière. Car ces entreprises ont bien dû payer leurs employés, les fournitures, les assurances… Or, d’un point de vue légal, ces frais peuvent difficilement être passés en pertes et profits sur le seul bon vouloir d’un dirigeant d’entreprise.
Le généreux entrepreneur devenu président Interrogé sur la pertinence d’un tel raisonnement juridique, Me Mebarek botte en touche : «Cela peut effectivement être un problème. Mais si tel est le cas, c’est le problème des entreprises concernées. En aucun cas celui de l’association.» Les généreux mécènes apprécieront. Même si l’avocat objecte que ce raisonnement juridique se heurte tout de même à « la question de la contrepartie». Autrement dit pour qu’il y ait délit, il faudrait que les mécènes en aient retiré un avantage personnel. Et la promesse d’un meilleur accueil dans l’au-delà ne saurait suffire. En revanche, on peut s’étonner que l’un de ces généreux mécènes, Anouar Benaoudia, soit devenu par la suite le président de l’association EnNour. Son entreprise de peinture, les Artisans d’Alsace, n’a jamais réclamé les 263 666,73 euros de travaux qu’elle a réalisés, elle aussi « bénévolement », au profit de la mosquée.