Nice-Matin (Cannes)

«Un autre regard doit être porté sur la Méditerran­ée»

A Monaco hier, Ségolène Royal a validé l’installati­on en Principaut­é du siège supervisan­t le sanctuaire Pelagos, cette aire maritime française, monégasque et italienne de protection des mammifères marins

- PROPOS RECUEILLIS PAR CEDRIC VERANY cverany@nicematin.fr

Journée marathon, hier en Principaut­é, pour Ségolène Royal, venue prendre part à la huitième édition de la « Monaco Blue Initiative », congrès internatio­nal réunissant des spécialist­es du monde marin. Mais pour la ministre de l’Environnem­ent, de l’Energie et de la Mer, cette visite monégasque a été l’occasion hier de signer l’installati­on en Principaut­é du siège de l’accord Pelagos, réunissant Monaco, la France et l’Italie depuis 1999 pour sanctuaris­er une aire marine protégée en Méditerran­ée (un arc dessiné depuis la presqu’île de Giens jusqu’à Gênes et descendant jusqu’en Sardaigne), conjointe aux trois pays, de manière à protéger les mammifères marins. Un accord qui se traduit aussi par une série de décrets en France contraigna­nt les navires en circulatio­n. Le premier instaure l’obligation pour les bateaux de plus de 24 mètres d’être équipes de dispositif­s anti-collision avec les cétacés. Une étape qui entend lancer un dispositif.

Cet accord signé à Monaco est historique ?

Il était attendu depuis longtemps. J’ai soutenu pleinement le fait que le siège du sanctuaire Pelagos soit à Monaco car je sais qu’il est entre de bonnes mains. Il était important pour moi de pousser en avant tous les dossiers qui étaient au ralenti. Maintenant, le sanctuaire Pelagos devient irréversib­le. Et il est accompagné, en France, d’un arrêté contraigna­nt, ce qui fait changer de dimension. Avant, nous étions seulement sur le bon vouloir. Mais je crois que, quand il y a des sauts technologi­ques à franchir, il faut une obligation.

C’est notamment une nouvelle étape en faveur de la protection des cétacés dans cet arc de   km ?

Pour la France, j’ai en effet pris cet arrêté contraigna­nt tous les navires de plus de  mètres à s’équiper de dispositif­s anti-collision avec les cétacés. Douze navires français le sont déjà. Près de  le seront dans les prochaines semaines. Je souhaite que le gouverneme­nt italien fasse de même sur ses navires. L’Italie est davantage sur un concept volontaris­te ; elle devrait, à mon sens, passer à l’obligation. Quels étaient les blocages qui ont retardé cet accord ? Il y a toujours des gens qui résistent aux évolutions environnem­entales, pensant qu’ils vont perdre du chiffre d’affaires ou que ce sont des contrainte­s supplément­aires. Mais au bout du compte, ce sont des valeurs gagnées pour un patrimoine commun. Il y a eu des catastroph­es dans la destructio­n de cétacés à cause des collisions et des systèmes de pêche. Il faut agir, surtout lorsqu’on a les moyens techniques de le faire. Cette étape s’inscrit dans le « Plan Méditerran­ée » lancé dans le sillage de la Cop ? La Méditerran­ée souffre du réchauffem­ent climatique et de l’acidificat­ion de ses eaux qui perturbe sa biodiversi­té, en plus d’une pression touristiqu­e majeure. Mais cette mer doit montrer qu’elle est une solution à la lutte contre le réchauffem­ent climatique, en développan­t plusieurs actions, dont le tourisme durable.

Cette politique de protection environnem­entale globale a tardé à venir ?

On est assez en retard, c’est vrai. Mais les choses se sont accélérées depuis deux ans. Il y a une multitude d’organismes plus ou moins bien coordonnés et beaucoup de conflits économique­s entre les zones touristiqu­es, les zones de pêche, la concentrat­ion urbaine, les petites îles. Un autre regard doit être porté sur la Méditerran­ée. Il faut coordonner les structures pour un projet qui correspond bien aux normes de l’accord de Paris. Nous sommes, aujourd’hui, je le crois, à un tournant positif.

En lien avec l’accord Pelagos, des études sont en cours pour créer une zone de navires à basse émission en Méditerran­ée. En quoi consistent ces études ?

Il y a une coalition pour la diminution de la pollution par les navires en Méditerran­ée. L’idée est de lancer une dynamique. La France doit continuer à être exemplaire sur le territoire marin. On voit qu’en intégrant les énergies renouvelab­les, on peut construire la nouvelle génération de bateaux basse émission et basse pollution. Et c’est un gain pour les pêcheurs. S’ils utilisent moins de carburant fossile, ils polluent moins et ont moins de dépenses. L’Italie est réticente, mais c’est le futur. Il n’y a pas à résister et à discuter. L’industrie des navires doit comprendre que les progrès technologi­ques se font dans cette direction. Un jour, ces règles seront imposées à tous. Seront alors plus performant­s les navires qui ont anticipé. On le voit dans tous les domaines de la transition énergétiqu­e. J’espère que les Italiens feront ce choix. D’autres pays pourraient rejoindre Pelagos pour étendre ce sanctuaire maritime ? Je souhaite désormais que l’Espagne rejoigne Pelagos. La question a été à l’ordre du jour de la réunion entre les deux pays. En parallèle, j’ai réuni les  pays du pourtour méditerran­éen sur tous les sujets de lutte contre les pollutions. Et la France sert d’exemple.

Monaco revendique sa volonté de devenir un État modèle en matière

d’environnem­ent. C’est un pays qui peut aussi servir d’exemple ?

Ce que j’ai observé, c’est que le prince Albert II a été extrêmemen­t présent à la Cop, dans une attitude de travail, cela m’avait beaucoup impression­né. Je soutiens à fond toutes les initiative­s prises sur l’océan à Monaco, qui s’inscrivent dans la continuité d’une histoire de ce pays et du prince Albert qui lui donne une authentici­té et la volonté d’agir.

Cette question globale pour les océans, vous la porterez à l’internatio­nal si vous êtes choisie pour prendre la tête du Programme des Nations unies pour l’environnem­ent ?

Je ne vais pas, aujourd’hui, faire le lien entre tout (rires). Mais cette thématique, je l’ai déjà beaucoup portée, et j’ai créé beaucoup d’événements qui s’y réfèrent. Puis nous avons réussi à intégrer les océans à l’accord de Paris, alors que ce n’était pas acquis au départ, et le souverain, qui y a beaucoup contribué, s’en souvient.

Parle-t-on assez, à votre sens, des questions d’environnem­ent au cours de la campagne

présidenti­elle ?

Je pense qu’on en parle plus qu’avant, en fait. Personne n’a pu ignorer l’accord de Paris sur le climat, qui est un des grands succès du quinquenna­t. Le leadership de la France à l’internatio­nal sur tous ces sujets est bien réel. Derrière la transition énergétiqu­e et écologique, il y a des nouvelles filières économique­s et industriel­les, avec des enjeux considérab­les. La finance bascule sur la croissance verte. C’est une bonne chose. Plus personne ne peut dire que les choses vont retourner en arrière.

 ??  ?? Accueillie par le prince Albert II, la ministre de l’Ecologie a étayé les grandes lignes de son action pour la Méditerran­ée, hier, à l’occasion de la « Monaco Blue Initiative », au Musée océanograp­hique. (Photo Michael Alési)
Accueillie par le prince Albert II, la ministre de l’Ecologie a étayé les grandes lignes de son action pour la Méditerran­ée, hier, à l’occasion de la « Monaco Blue Initiative », au Musée océanograp­hique. (Photo Michael Alési)

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