Nice-Matin (Cannes)

François Fillon, le pari de la «remontada»

- Par MICHÈLE COTTA

« Fillon n’a pas écouté les conseils de ceux qui, comme Sarkozy, lui avaient demandé d’arrondir les angles. »

« Je ne vous demande pas de m’aimer, je vous demande de me soutenir. » C’est ainsi que François Fillon s’est adressé, à la fin de son grand meeting de la porte de Versailles, hier à Paris, aux militants venus l’applaudir. Façon claire d’appeler ceux des électeurs de la droite qui se sont détournés de lui, après le feuilleton des « affaires », à revenir vers lui, non par amour, non par sympathie, non parce qu’ils veulent élire un homme dont ils se sentiraien­t humainemen­t proches, mais de façon précise pour mettre dans l’urne un bulletin en sa faveur, pour ses idées, et non pour des raisons affectives. On ne plaide pas plus clairement pour un vote utile à droite, celui qu’il est le seul à incarner. C’est pourquoi François Fillon, combatif hier, n’a pas mis de l’eau dans son vin : le programme qu’il a présenté est resté celui qui lui avait assuré la victoire à la primaire de la droite et du centre. Il n’a pas écouté les conseils de ceux qui, comme Nicolas Sarkozy lui avaient demandé d’arrondir des angles. Il n’a pas non plus renforcé, comme l’avait fait Alain Juppé, son ouverture au centre.

Les mesures clefs sont restées les mêmes, sur la réforme du travail, par exemple, ou sur la suppressio­n de   fonctionna­ires en cinq ans. Car François Fillon en est convaincu, il n’a pas changé d’avis sur ce point depuis le début de la campagne, qu’une majorité de Français, au bout de cinq ans de François Hollande, souhaitent une droite qui ne se cache pas, une droite assumée, sinon décomplexé­e, pour une véritable alternance. C’est sur ce terrain, précisémen­t, qu’il concentre ses critiques contre celui qu’il désigne, d’un meeting à l’autre, d’une émission à l’autre, comme son adversaire principal, Emmanuel Macron. Selon lui, un quinquenna­t d’Emmanuel Macron serait encore « cinq ans de demi-mesures, encore cinq ans d’occasions manquées ». En décrivant le candidat d’« En marche ! » comme « l’héritier de François Hollande », François Fillon sait ce qu’il veut : déboulonne­r de la première place celui qui le distance dans les sondages depuis plusieurs semaines, le décrire comme un pâle « sous-marin » des socialiste­s et du président – pas pour longtemps encore – de la République. L’atout maître du candidat de la droite ? Son expérience, sa stature d’homme d’État. Lorsqu’il revendique ses trente-six ans de vie politique, il s’agit de pointer du doigt, en filigrane, la jeunesse d’Emmanuel Macron, son immaturité politique et sa méconnaiss­ance des problèmes internatio­naux. Ce à quoi Macron répond, évidemment, par le vers de Corneille dans Le Cid : la valeur n’attend pas le nombre des années. Voilà pourquoi, dans cette dernière ligne droite, les deux hommes se sont choisis pour adversaire­s. Celui qui est resté cinq ans Premier ministre de Nicolas Sarkozy contre celui qui, après deux ans au ministère de l’Économie, a claqué la porte de François Hollande ; le tenant d’un libéralism­e dur contre celui du social-libéralism­e ; l’expériment­é contre le nouveau venu. Ils ont quinze jours pour régler leurs comptes.

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