Nice-Matin (Cannes)

FOOTBALL Prince of Monaco CV

Victor Ikpeba, 43 ans, a évolué dans les deux clubs. Il a marqué les esprits en Principaut­é et un paquet de buts : 88 ! Il est surtout le meilleur buteur monégasque en Coupe d’Europe

- FABIEN PIGALLE

On a laissé des messages à droite à gauche, envoyé des mails, rien à faire, Victor Ikpeba semble aussi insaisissa­ble qu’il ne l’était sur une pelouse. L’internatio­nal nigerian a joué six saisons à Monaco avant de filer en  à Dortmund. La semaine dernière, il est h quand notre portable se met à sonner. Au bout du fil, le « Prince of Monaco ». Cette fois, rendez-vous est pris. Installé à Lagos au Nigeria, il nous rappelle le lendemain à une heure où notre stylo est à portée de main. Durant plus d’une vingtaine de minutes, il a accepté d’évoquer son passé Rouge et blanc, ponctué par des rires et prenant par moments, un ton plus grave.

Racontez-nous votre arrivée à Monaco...

Je jouais au FC Liège et je suis arrivé à Monaco en , c’est simple non ? (rires). J’étais tellement fier. Je savais que ça n’allait pas être facile. Je regardais énormément le championna­t de France. Je m’attendais à un grand écart avec le championna­t belge, même si on avait de bons clubs comme Anderlecht, Bruges, etc. Honnêtemen­t à l’époque, je pensais que j’allais signer à Lens parce que j’étais allé plusieurs fois là-bas. Mais quand le président m’a dit que c’était Monaco… (il coupe) Il y avait tellement de grands joueurs. Moi, j’étais tout jeune.

Entre Liège et Monaco, c’était le grand écart, non ?

La chance que j’avais, c’était d’être jeune, mais surtout en famille. J’avais une femme, des enfants, j’étais stable. Je pense que si on n’est pas entouré comme ça, vivre à Monaco n’est pas très agréable. Après, ça a de suite marché pour moi aussi. Sur six saisons, j’en ai fait, disons, quatre bonnes.

Vous y avez gagné votre surnom : Prince of Monaco...

Oui, oui. C’est surtout au Nigeria qu’on m’appelle comme ça. Ça me gênait énormément vis-à-vis du Prince Rainier. Aujourd’hui il y a le Prince Albert, je me souviens bien de lui. Le Prince Rainier aimait discuter avec nous. Il a toujours été sympa. A Monaco, ma vie a vraiment changé. Après, je suis parti pour Dortmund. J’ai accepté de partir parce qu’aussi je quittais Monaco tête haute. C’est  ans de ma vie, Monaco, vous savez.

Que retenez-vous ?

J’ai été gâté… tellement. J’ai joué avec de grands joueurs, Barthez, Djorkaeff etc. Pour s’imposer, il fallait avoir un gros caractère. Parce qu’on n’a pas   personnes au stade chaque semaine. Il faut toujours prouver que l’on est meilleur. L’effectif était tellement riche vous savez. Je voulais qu’une chose : c’était “jouer”. Quand j’étais sur le banc, je râlais. C’est à Monaco que j’ai pu tout gagner en sélection, la CAN, les JO, etc. Mais ma vie a continué après Monaco en allant à Dortmund. Le plus grand moment ? Il y en a eu beaucoup… Mais je dirais le titre de champion en  et les deux demi-finales de coupe d’Europe. Nous étions très près d’arriver en finale. Je pense que contre l’Inter nous méritions.

Le joueur le plus fort avec qui vous avez joué ?

Il y en a eu des joueurs exceptionn­els… C’est dur à dire. Parce que ce n’était pas toujours une question de qualité pure. C’était une question de mental aussi. Celui de vouloir gagner tous les week-ends. Ça, c’est fort. Ils jouaient toujours à fond. Il y avait beaucoup de talents. Klinsmann, Scifo, Simba, Benarbia, Collins, Henry… Ils m’ont tous poussé à devenir encore meilleur. Henry, par exemple, m’a aidé à repousser mes limites.

Vous avez connu des grands moments à Monaco, mais aussi des peines…

Oui, c’est vrai. Ma femme est décédée du cancer en  alors qu’elle était restée à Monaco, et moi je jouais à Dortmund. C’était une femme exceptionn­elle. Tout ce qu’on a pu dire m’a fait beaucoup de mal à cette époque, comme quoi je l’avais abandonnée. Je faisais des allers-retours pour la voir. Si ça ne tenait qu’à moi, je serais resté à Monaco, mais la direction du club ne m’a pas laissé le choix. Je n’ai pas compris. Je ne pensais pas de mon côté que la maladie allait évoluer aussi rapidement. Après, j’ai dû refaire ma vie, et continuer d’avancer pour mes enfants. Quand vous perdez quelqu’un d’aussi important dans votre vie, c’est très dur. J’ai rencontré ensuite une autre femme extraordin­aire. J’ai beaucoup de gratitude.

Votre plus beau but ?

Alors là... J’en ai marqué un paquet quand même, mais j’en ai aussi manqué énormément (rires). Bizarremen­t, c’est quand c’était difficile que j’y arrivais ! Disons que celui contre l’Inter était pas mal du tout. Que vous ont apporté Wenger et Tigana ? Sans eux, je n’aurais pas fait cette carrière. Je n’aurais pas pu gagner tout ce que j’ai gagné. Si on m’appelle le Prince de Monaco c’est grâce à Wenger. Il me faisait voir des choses que je ne voyais pas. Tigana me poussait à la limite. Ils ont été très importants dans ma vie. (Il coupe) Toute ma vie, j’ai eu l’impression qu’il fallait que j’en fasse toujours deux fois plus pour réussir. Ça m’a donné une grande force.

Dortmund ?

Ça ne s’est pas très bien passé. Je venais de perdre ma femme, je n’ai pas été très bien accueilli par certains joueurs allemands. A Dortmund, on me regardait différemme­nt. Vous savez, il y a une grande différence entre l’Allemagne et la France. En France, on joue au football. En Allemagne, on travaille. C’est toujours : travail, travail, travail. Ça ne me correspond­ait pas. Mais là encore, j’ai appris. Je n’oublie pas. Après, jouer dans ce stade plein avec une ambiance folle, c’était incroyable.

Entre Dortmund et Monaco, vous allez supporter qui ?

Que le meilleur gagne. Je n’ai qu’un seul coeur, et je respecte les deux clubs. Contre City, Monaco a été impression­nant en Né à Benin City au Nigeria le  juin . FC Liège (-), Monaco (-), Dortmund (-).  sélections avec le Nigeria. Palmares : champion Olympique , champion de France .

montrant beaucoup de caractère alors qu’ils sont très jeunes. Ils étaient tellement volontaire­s, c’était incroyable. En face, il y avait des clients comme Agüero, Sterling, etc. J’ai suivi le match retour chez moi à Lagos, pendant  minutes ils ont été impression­nants.

Vous auriez aimé jouer dans cette équipe ?

Ah vous savez, il ne faut pas comparer. C’était très différent. Il n’y a rien à voir. On avait des joueurs exceptionn­els.

Un joueur que vous appréciez dans l’équipe actuelle ?

Il y a ce jeune dont tout le monde parle qui met pas mal de buts, comment il s’appelle déjà ?

Mbappé...

Oui voilà ! Mais vous savez, à part Falcao, il n’y a pas de star dans cette équipe. Leur force, c’est de jouer ensemble et d’être soudé. Ils sont tous bons.

La dernière fois que vous êtes venu au Louis-II ?

Je crois que c’était en  ou  peut-être. Mais à l’époque, les dirigeants ne se souvenaien­t pas que j’avais joué à Monaco (rires). Je suis le meilleur buteur de l’histoire en coupe d’Europe mais bon (rires)... Mais ce n’est pas important pour moi. Aujourd’hui, je suis toujours dans le foot et j’oeuvre pour mon pays, dans les instances techniques. Je travaille aussi pour une télé sud-africaine, Supersport.

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Victor Ikpeba a marqué  buts en Coupe d’Europe sous le maillot de l’ASM. Il détient toujours le record du club (Photo AFP)

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