Nice-Matin (Cannes)

FOOTBALL Gloire à Fred Gioria !

C’est lui qui a reçu la Coupe. A cet instant, il est entré dans l’histoire du Gym

- PHILIPPE CAMPS

Il n’a pas entendu les mots de Jacques Chirac. Trop de bruit. Trop d’émotion. Il se souvient, en revanche, de son sourire à l’instant de la remise du trophée. « C’est la première fois que je rencontrai­s un président de la République. Jacques Chirac m’a paru très sympathiqu­e », raconte Frédéric Gioria vingt ans plus tard. Dans cette tribune du Parc des Princes, il est en train de vivre son instant de gloire. Son bout d’éternité. Sur le coup, il est trop enfiévré pour en avoir conscience : « Je n’ai pas pris le temps de savourer. Je n’avais qu’une idée, qu’une hâte : soulever la Coupe pour la montrer aux supporters niçois.» Lui, l’enfant du pays, le Nissart, lui qui n’a connu qu’un club, qu’une passion, qu’un amour, lui qui porte le brassard comme on porte un drapeau sur un champ de fleurs ou de bataille rejoint Jean Belver et Antoine Cuissard les capitaines de 1952 et 1954 dans l’histoire du Gym. « C’est une émotion d’une intensité folle qu’on ne ressent jamais dans la vie de tous les jours » explique celui qui a gardé ces quelques secondes d’extase au fond de lui. Là où survit l’image de son papa grand absent de la soirée à cause d’une maladie qui l’emportera deux mois plus tard. Les sentiments se sont cognés. Mais l’homme a toujours été solide. Quand il regarde dans le rétro, Fred revoit la préparatio­n à Clairefont­aine : « Grâce à Bébert Gal qui était notre kiné et celui des Bleus, on avait dormi au château et on s’était entraînés sur le terrain ‘’Michel Platini’’. Après la saison cauchemard­esque qu’on avait traversée, ça nous avait fait un bien fou. En championna­t, on avait tout raté. On loupait les penaltys, on marquait contre notre camp. On s’était montré maladroit et malchanceu­x. L’inverse de notre parcours en Coupe. En 16e, à Bastia, où Bruno (Valencony) avait été énorme, on passe et je me dis ‘’On va aller au bout.’’ Je sentais une protection divine. Ne me demandez pas pourquoi. C’est comme ça. » Ça n’empêchera pas Fred l’impulsif d’en vouloir au monde du football en général et aux médias parisiens en particulie­r. «Alatélé,à la radio ou dans les journaux, il y en avait que pour Guingamp. Comme si la France avait choisi son camp. J’étais fou ! Il faut dire que l’image de l’OGC Nice, à l’époque, n’était guère reluisante. On avait changé de présidents (Bois, Mandaric) et trois fois d’entraîneur­s (Emon, Sanchez, Takac) en quelques mois. Les gens se pinçaient le nez sur notre passage. On était le club instable et sulfureux qui allait descendre en D2. Rien que ça ! Les temps ont bien changé et je suis fier de ce qu’est devenu l’OGC Nice. J’envie même les joueurs d’aujourd’hui qui évoluent dans un club solide et ambitieux. Moi quand je jouais, le Gym était en crise perpétuell­e. C’était usant...» Un Gym inconstant mais capable de décrocher la lune ce 10 mai 1997. « Il y avait une super-ambiance entre nous. Malgré les mauvais résultats en championna­t, le groupe n’avait jamais explosé. Ce lien a été plus fort que tout le jour de la finale. Je l’avoue : le match fut loin d’être inoubliabl­e, mais il a été sauvé par le suspense. Je devais être le 6e lors de la séance de tirs au but. Je m’étais préparé parce que je ne pensais jamais que Vermeulen réussirait le sien. Il jouait rarement. Il ne semblait pas vraiment concerné. C’était le seul qui était un peu en dehors de l’effectif. Alors, quand je l’ai vu se diriger avec son allure bizarre vers le point de penalty, je me suis dit : ‘’ il va le rater.’’ Et là, il marque ! Je n’en reviens toujours pas...» sourit celui qui est et restera pour tout un peuple l’homme qui a soulevé la Coupe de France. Le lendemain matin du soir de gloire, il croise Jean-Noël Huck dans le hall de leur hôtel parisien. « Je n’oublierai jamais la scène ni les mots. Huck, c’est quelque chose à Nice ! Un joueur de classe, un modèle, une idole, un entraîneur respecté. Il était ému. Il m’a pris dans ses bras et il m’a dit : ‘‘Ce n’est ni Huck, ni Guillou, ni Jouve, ni Bjekovic qui a levé la Coupe de France. C’est toi, Fred Gioria’’.» Pas mieux.

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Cette scène est entrée dans la légende du Gym. Fred Gioria aussi...

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