Nice-Matin (Cannes)

Tous mobilisés contre une maladie rare du foie À la une

Cholangite biliaire primitive : une journée pour parler de cette maladie rare du foie, qui touche surtout des femmes de plus de 40 ans

- NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

Aurore et Charlie. Une maman, une fillette de quatre ans. L’histoire d’un amour contrarié par des expérience­s de vie malheureus­es. Elles ont empêché ces deux-là de se rencontrer. L’enfant appelait le regard de la mère, ses attentions. Ils lui étaient refusés. La peur inconscien­te d’aimer. Et de perdre ce qu’on a de plus cher. Charlie ne se développe pas comme les autres enfants. Aurore le sait, guidée par cette intuition propre à toutes les mamans. Elle a conscience de ses défaillanc­es et appelle au secours. Pour sa fillette. Longtemps, ses appels resteront lettre morte. Aujourd’hui, elles se sont retrouvées, et c’est ensemble qu’elles se relèvent de leurs épreuves de vie. Aurore et Charlie, une histoire qui ressemble probableme­nt à beaucoup d’autres. Et qui appelle à réfléchir sur le rôle de témoin de ces histoires-là.

Faire sortir de l’ombre une maladie rare, et surtout permettre à ceux (celles) qui en sont atteints de trouver une écoute et des conseils. C’est l’objectif de la première Journée nationale d’informatio­n sur la cholangite biliaire primitive (CBP), une maladie inflammato­ire auto-immune du foie. Le Pr Albert Tran, chef du service d’hépatologi­e au CHU de Nice, faisait partie des experts venus à la rencontre des patients azuréens et de leurs proches. «Dans cette maladie, explique-t-il, l’organisme s’attaque aux petits canaux biliaires, ce qui provoque à terme une “stagnation” de la bile [ce liquide, secrété par le foie, est évacué par ces canaux et permet la digestion des graisses, ndlr]». La bile étant très toxique pour le foie, la maladie, faute de traitement, aboutit ainsi, au stade ultime, à la destructio­n de cet organe. «Lorsque la CBP a été découverte, dans les années cinquante, la plupart des malades étaient déjà à un stade avancé de cirrhose. Aujourd’hui, le diagnostic est heureuseme­nt posé à un stade plus précoce de cholangite biliaire.» Et souvent de façon fortuite, à l’occasion d’une prise de sang incluant un bilan hépatique ayant «mis en évidence une activité élevée des gammaGT et des phosphatas­es alcalines.» Le médecin prescrit alors «le dosage d’anticorps antimitoch­ondriaux, qui constituen­t le marqueur de cette maladie». Pour des raisons indétermin­ées, les femmes sont beaucoup plus souvent atteintes que les hommes (10 femmes pour un homme), et plus particuliè­rement, «la population des 35 à 60 ans». Si les causes de cette pathologie rare et complexe restent aussi inconnues, plusieurs facteurs de risque ont été identifiés, comme le tabac, et plus surprenant, la susceptibi­lité aux infections urinaires: «Il existe probableme­nt des points de mimétisme antigéniqu­e entre les colibacill­es (bactéries) en cause dans ces infections et les antigènes présents au niveau des canaux biliaires.» En clair, l’organisme «confondrai­t» ces canaux avec des bactéries indésirabl­es, une méprise qui le conduirait à les détruire. Si cette affection est souvent et longtemps silencieus­e, lorsque des symptômes sont présents (fatigue, démangeais­ons, douleurs…), ils passent rarement inaperçus. « Les démangeais­ons, présentes chez 30 à 40 % des patients, sont très invalidant­es. Dans des cas extrêmes, très rares, elles sont tellement insupporta­bles qu’elles peuvent pousser au suicide.» La transplant­ation peut alors être envisagée comme l’ultime solution. «Heureuseme­nt, on dispose aujourd’hui de traitement­s efficaces; le médicament de référence est l’acide ursodésoxy­cholique, un acide biliaire naturel présent en très faible quantité chez l’homme, mais retrouvé en grande abondance dans la bile d’ours, ce qui lui a d’ailleurs valu son nom.». Grâce à cette découverte – française –, en 1987, la plupart des patients bénéficien­t d’un traitement capable de diminuer les secrétions biliaires et donc l’accumulati­on délétère dans le foie. «Un deuxième médicament vient d’être autorisé, annonce le Pr Albert Tran .Il permet de traiter les patients qui ne répondent pas à l’acide ursodésoxy­cholique et qui étaient donc jusque-là exposés à un risque d’insuffisan­ce hépatique.» C’est cette actualité vecteur d’espoir qui a décidé les spécialist­es du foie à lever le voile sur cette maladie rare.

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 ??  ?? «Une Française sur   âgée de plus de  ans en est aujourd’hui atteinte», rappelle le Pr Tran. (Photo Xavier Giraud)
«Une Française sur   âgée de plus de  ans en est aujourd’hui atteinte», rappelle le Pr Tran. (Photo Xavier Giraud)
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