Charlie, ma fille, ma bataille Témoignage
Elle-même fragilisée, Aurore a essayé d’appeler l’attention sur les troubles de sa fille. Aujourd’hui, elle se mobilise pour la formation des professionnels au contact de la petite enfance
L’histoire de Charlie, c’est d’abord le récit d’une maman capable d’affronter la réalité, de la dire, de reconnaître ses propres erreurs, avant d’en pointer d’autres. Chronique. En 2000, Aurore a 17 ans. Elle est enceinte. « Nous étions cinq enfants, un peu livrés à nous-mêmes, après le divorce de nos parents», se justifie la jeune Varoise de 35 ans. Une échographie réalisée à sept mois de grossesse va mettre en évidence de grosses disproportions chez le foetus. Amniocentèse. Le coeur du bébé ne bat plus. La grossesse doit être interrompue. Le début d’une série noire. Quelques années plus tard, Aurore est à nouveau enceinte. Une grossesse désirée, mais qui devra là encore être interrompue après six mois, pour les mêmes motifs. «Deux fois, j’ai dû accoucher pour faire sortir le bébé.» Deux garçons inscrits désormais sur son livret de famille. En dépit des épreuves vécues, Aurore ne baisse pas les bras. Nouvelle grossesse. « À 15 semaines, j’ai perdu du sang, le bébé ne vivait plus.» Après une ultime fausse couche, elle se résigne enfin à effectuer une analyse génétique (elle s’y était refusée plus tôt). « J’avais 26 ans, et j’ai appris que j’étais porteuse d’une anomalie génétique.» Lorsqu’elle rencontre quelques mois plus tard, celui qui est aujourd’hui son mari, et qu’ils envisagent d’avoir un enfant ensemble, ils choisissent d’avoir recours au DPI (Diagnostic génétique pré-Implantatoire permettant de n’implanter que les embryons non porteurs de l’anomalie génétique). «Je ne voulais plus rein ». Il ne grossit pas, les équipes qui la suivent décident de la faire accoucher rapidement. Charlie vient enfin au monde. «Mon mari pleurait de bonheur, la trouvait magnifique, moi, je l’ai trouvée affreuse. Je n’avais pas envie ni besoin de la mettre au sein, je lui ai donné la tétine… Mon téton ne sortait pas, quelque chose semblait ne pas passer entre nous deux. J’aurais aimé pourtant aller vers elle… » Cet enfant tellement désiré, étrangement, « singularités ». «Elle n’était pas intéressée par ce qui l’entourait. Elle avait aussi du mal à se tenir assise ». avait du mal à se concentrer, qu’elle se cognait la tête lorsqu’elle était énervée. La journée, les enseignantes étaient dans l’obligation de la laisser déambuler dans la classe, le personnel étant insuffisant pour pouvoir s’occuper d’elle et des nombreux autres enfants. Lorsque j’ai interrogé l’école sur l’absence de signalement, leur réponse a été : “On pensait que vous n’étiez pas prête à entendre…”, alors que je n’ai jamais cessé d’interroger. » La suite? «Notre fille a été vue par de nombreux intervenants de la santé. Selon eux, Charlie a un comportement à caractère autistique. Elle bénéficie de deux séances d’orthophoniste par semaine ainsi que deux séances avec psychomotricienne.» Les relations entre Aurore et sa fillette se sont considérablement améliorées. Elle a choisi aujourd’hui de prendre un poste de nuit pour pouvoir être la plus présente possible auprès d’elle. «Aujourd’hui, je lui parle beaucoup, j’impose des règles, je la stimule, et elle fait d’énormes progrès. Son regard est moins fuyant, elle est plus attentive, arrive à se faire comprendre.» Si Aurore a pris sa plume pour nous écrire, ce n’est pas pour condamner telle ou telle autre défaillance. Juste pour faire avancer les choses au bénéfice des enfants souffrant de troubles autistiques. Des avancées qui passent par la formation de tous ceux qui interviennent auprès des plus jeunes, assistantes maternelles, professionnels des centres de loisir, animateurs, ATSEM qui souvent «sont les plus au contact des jeunes enfants», afin qu’ils puissent participer à identifier précocement des troubles. Et offrir ainsi plus de chances à l’enfant de progresser. «Aujourd’hui, j’ai accepté le handicap de ma fille. Mais j’ai l’espoir qu’elle s’en sorte, qu’elle guérisse…», conclut Aurore. Avant d’ajouter : «Ma fille a souffert de carence affective… Depuis deux mois, elle me fait des câlins. Elle aime tellement qu’on lui caresse le visage, les oreilles… Avant je ne le faisais pas. » Avant.