Nice-Matin (Cannes)

Quelle politique de mixité sociale pour quels effets Grand angle La mixité sociale joue-t-elle sur la réussite scolaire ? L’état des lieux en France L’avis du public

Où en sommes-nous réellement de la mixité sociale en France ? Est-elle un facteur de réussite ? C’est ce que les Entretiens de Nice proposent d’observer scientifiq­uement

- PROPOS RECUEILLIS PAR CHRISTELLE LEFEBVRE clefebvre@nicematin.fr

En France comme en économie, la question de la formation est stratégiqu­e. Elle est majeure pour constituer un vivier de compétence­s qui s’expriment en entreprise et centrale pour l’accès au monde du travail. Elle est aussi devenue un enjeu politique. Observer ce qui se passe autour de l’école et de la mixité sociale est révélateur de la tendance. Il faut, diton, renforcer la mixité sociale pour ne pas compromett­re davantage l’égalité des chances. Pour autant, la question intervient de manière très diverse selon la nature des établissem­ents scolaires et leur territoire. Investir dans les politiques de mixité sociale requiert en amont un diagnostic précis du système français sous ses différente­s dimensions, estime le pôle de recherche en économie de l’Edhec. L’école de commerce a placé les questions d’éducation au coeur des Entretiens de Nice, cycle de conférence­s interactiv­es qu’elle initie au CUM en partenaria­t avec la Ville de Nice et le groupe Nice-Matin. Prochain rendez-vous le mardi  juin.

Quels sont les effets de la mixité sociale sur la réussite scolaire ? Tristan-Pierre Maury, professeur d’économie, membre du pôle de recherche en économie de l’Edhec Business School :

Ilyaeupeu d’études qui nous permettent de répondre scientifiq­uement à cette question en France. Mais on peut regarder les effets en Angleterre ou aux États-Unis, où il existe de nombreuses expériment­ations.

Que constate-t-on ? T-P.M. :

On constate qu’il y a un impact positif, mais très limité sur les résultats scolaires, à placer dans un milieu favorisé un élève défavorisé. La réciproque est aussi vraie. Les résultats d’un élève favorisé ne baissent pratiqueme­nt pas si vous le placez en milieu défavorisé.

Peut-on aller plus loin ? Quelle définition à la mixité sociale ?

La notion même de mixité fait l’objet de débats. On parle généraleme­nt de la coexistenc­e dans la même école d’élèves ayant des profils différents de par leur origine sociale, ethnique et leur niveau scolaire.

Comment la mesurer ?

Elle l’est généraleme­nt par le concept de ségrégatio­n, miroir inversé e la mixité. La ségrégatio­n est totale lorsque chaque élève ne croise que des élèves de la même origine sociale. Elle est absente quand une école a une compositio­n sociale qui

T-P.M. :

Les données étrangères montrent que les effets nets identifiés concernent surtout les performanc­es cognitives: comporteme­nt, bien-être, sociabilit­é. Les effets globaux sont positifs : la mixité sociale réduit très nettement les risques pour les élèves défavorisé­s concernant l’exclusion, l’alcool, le cannabis, sans que ça n’affecte les élèves favorisés.

Quelles solutions en France ? T-P.M. :

Il y a plusieurs propositio­ns discutées : jouer sur le secteur d’affectatio­n des élèves avec l’extension dès l’entrée au collège du dispositif Affelnet qui existe pour les lycées, l’assoupliss­ement de la carte scolaire et la création de secteur multicollè­ge. Jusque-là, ça n’a pas donné pas de résultats mirobolant­s. On essaie aussi d’agir sur la mixité résidentie­lle en réhabilita­nt des quartiers défavorisé­s pour attirer une reflète celle de l’ensemble du territoire où elle est implantée.

La ségrégatio­n a-t-elle évolué ?

Il y a très peu de recherche scientifiq­ue sur le sujet. Nous utilisons les données collèges de  à  issues du ministère de l’Éducation nationale. Ces données démontrent que la ségrégatio­n est stable en France depuis dix ans. Sur une échelle de zéro à un, zéro correspond­ant à une ségrégatio­n totalement nulle et un à une ségrégatio­n totale, nous sommes à , en  et , en . Soit autour des  %. Ça peut être population plus favorisée. C’est plutôt un échec. Les populaires plus aisées ne s’installent pas dans les quartiers ou viennent massivemen­t et cela repousse les défavorisé­s ailleurs.

Quelle piste la plus efficace ? T-P.M. : La réduction des effectifs

dans les classes situées dans les secteurs défavorisé­s est la piste la plus probante pour améliorer la performanc­e scolaire des élèves. C’est ce qu’il y a actuelleme­nt de plus efficace. Augmenter d’un ou deux éléments une classe composée d’élèves issus d’un milieu favorisé ne pénalise pas leurs résultats, faire baisser d’un ou deux éléments les classes composées d’élèves défavorisé­s améliore déjà les performanc­es. Si on accentue la baisse des effectifs dans ces secteurs, les effets positifs n’en seront que supérieurs. considéré comme trop haut. Mais ça ne grimpe pas comme le discours ambiant le laisse à penser.

La situation est-elle la même partout ?

Elle est très disparate. L’académie où elle est la plus basse est celle des Hautes-Alpes, la plus haute est celle de Paris. L’académie de Nice est située légèrement sous la moyenne nationale, avec un indicateur à , %. Aix-Marseille fait partie des plus élevés, avec , %.

■ La politique d’éducation prioritair­e est-elle un outil d’avenir pour lutter contre les inégalités scolaires ?

■ La carte scolaire est-elle un frein à la mixité sociale ?

■ La mixité sociale peut-elle nuire aux résultats scolaires des élèves très favorisés ?

La mixité sociale est-elle positive pour les résultats scolaires des élèves issus de milieu défavorisé ? :

Quelle est la part du privé dans la ségrégatio­n scolaire ?

Les écarts public/privé sont indiscutab­les. Le privé représente  % des collégiens en France. Il contribue à près d’un tiers de la ségrégatio­n observée. Il continue à accueillir de plus en plus d’élèves très favorisés. Mais ce constat est à nuancer. Dans les zones rurales et les petites villes, il n’y a quasiment pas de ségrégatio­n public/privé. C’est plutôt le fait des grandes villes.

Les tendances évoluent-elles là aussi ?

La part d’élèves défavorisé­s était de , % en  en secteur d’éducation prioritair­e, de , % en public et , % en privé. Elle est de , % en  en secteur d’éducation prioritair­e, de , % en public et , % en privé. « La ségrégatio­n à l’école a peu évolué entre  et . » Comment financer l’enseigneme­nt supérieur français ? Telle sera la question de la prochaine conférence interactiv­e des Entretiens de Nice, initiés par l’Edhec Business School pour verser au débat des éléments scientifiq­ues et permettre à chacun de se forger une opinion. L’intervenan­t sera Pierre Courtioux, le directeur adjoint du pôle de recherche en économie de l’Edhec Business school. Le mardi  juin, de  h  à  heures au CUM.

 ?? (Photos C.L.) ?? Tristan-Pierre Maury, professeur d’économie.
(Photos C.L.) Tristan-Pierre Maury, professeur d’économie.

Newspapers in French

Newspapers from France