Le mai , le président Millerand est à Toulon. Le président du conseil général du Var l’interpelle sur les problèmes d’alimentation en eau du département, de l’industrie du liège et de l’horticulture
C’est à bord de l’Edgard-Quinet, escorté de sept hydravions et d’un dirigeable que le président de la République Alexandre Millerand arrive à Toulon le mai pour une visite d’un jour. Il se présente en redingote et chapeau haut de forme gris sur le tapis rouge du quai du port. Accompagné par le ministre de la Marine, le Niçois Flaminius Raiberti, il est accueilli par un déploiement de personnalités dont Émile Claude, le maire de Toulon. Tout ce monde se dirige vers l’hôtel de ville en voiture sous les applaudissements de la foule. Discours du maire, plutôt désabusé : « Comme la plupart des grandes villes, nous nous débattons au milieu de grosses difficultés financières et osons vous dire que si le parlement se montre très large lorsqu’il s’agit d’imposer des charges nouvelles, il est bien parcimonieux lorsqu’il faut leur permettre de créer des ressources compensatoires ». Le président Millerand entend les doléances. Il se rend ensuite place de la Liberté pour remettre bon nombre de décorations puis participe à un banquet au Foyer du marin et du soldat qui se trouve sur la même place. Il a droit à nouveau à un triste tableau de la situation varoise. Cette fois-ci, c’est Claude Brun, président du conseil général qui a pris la parole. Il décrit la précarité de l’industrie du liège, les difficultés de l’industrie horticole du Var, compromise par un prix trop élevé des transports, et surtout, le problème de l’alimentation en eau qui commence à devenir inquiétant.
Des voleurs au banquet
Le président Millerand promet bien sûr de prendre en compte ces revendications. C’est dans le hall tendu de draperies rouges du Foyer du marin qu’aura lieu le banquet. Sur le menu, décoré par Amoretti, directeur de l’école des Beauxarts de Toulon, on peut prendre connaissance du repas qui attend les convives : suprême de foie gras, gelée au porto, jambon d’York, timbale de filets de sole dieppoise, selles d’agneau provençales, chapon truffé du Mans, glaces et coupes de fruits, le tout arrosé de vins du Var, de bordeaux et de champagne. La République ne rechigne pas sur les mets de qualité ! On avait mis les petits plats dans les grands. Mais à l’issue du banquet, on remarquera que trois d’entre eux – trois beaux plats en argent – avaient disparu ! Des invités indélicats se seraientils glissés parmi les convives ? On ne les a, bien sûr, jamais retrouvés. On étouffa l’affaire. Ainsi s’achevait la visite d’un président dont Clemenceau faisait ce portrait sans concession : « Il a l’air idiot, fermé à tout, des yeux de myope, et pourtant il a des lueurs de bon sens ».