Arrêt forcé
200 tonnes de métaux disparues, un coup de filet retentissant, un chantier XXL bloqué pour cinq mois : l’affaire hors normes qui se joue dans la Roya inquiète des deux côtés de la frontière
La justice italienne a stoppé les travaux colossaux du second tunnel, après la révélation d’un scandale de vol de métaux. Un coup d’arrêt pour cinq mois qui inquiète, autant que la solidité des travaux réalisés.
Nous avons agi pour éviter un désastre. » Cette déclaration donne le ton de l’affaire. Francesca Nanni, le procureur de Cuneo, l’a livrée aux médias italiens, après le coup de filet retentissant visant le chantier du doublement du tunnel de Tende. De l’autre côté des Alpes, il s’agit là d’une bombe judiciaire. Or, ses déflagrations se répercutent côté français. Depuis une semaine, ce chantier XXL est à l’arrêt forcé, placé sous scellés par le parquet piémontais. Et ce, pour cinq mois ! Mercredi 24 mai, 8 h 30. Un imposant cortège de véhicules de police quitte la caserne de Cuneo. Cap sur le col de Tende. Deux hélicoptères survolent la zone. La guardia di Finanza va procéder à un vaste coup de filet dans le milieu du BTP. L’enquête avait débuté en septembre 2016, à la suite d’accusations de vols de métaux sur le chantier.
Dix-sept mis en cause
Deux cents tonnes de fer et d’acier, destinés à équiper la galerie du second tunnel de Tende, auraient disparu. Valeur : 100 000 euros. Destination ? Des entreprises de ferraillerie des régions de Cuneo et Turin, via des circuits de revente occulte. Pas moins de dix-sept personnes sont dans le viseur des enquêteurs, des ouvriers aux entrepreneurs en passant par les chefs de chantier. Certains travaillent pour Fincosit, géant italien du BTP, d’autres pour la holding Galleria di Tenda Scarl, ou pour l’Anas, l’agence nationale chargée des routes italiennes. Du lourd, en somme. Neuf suspects sont mis en examen : cinq sont assignés à résidence, quatre interdits de quitter le territoire. Zéro interpellation en France. Et pour cause : si ce chantier à 209 millions d’euros est cofinancé par l’Italie et la France (selon une répartition 58-42 %), maîtrises d’oeuvre et d’ouvrage incombent à l’Italie. Pourtant, la justice française est bel et bien saisie. Et inquiète.
Enquête ouverte à Nice
« Il s’agit d’un dossier à plusieurs étages », explique Jean-Michel Prêtre. Le procureur de la République de Nice, saisi début mai, a ouvert une enquête de gendarmerie. Son objet : « Mise en danger de la vie d’autrui, tromperie sur la qualité substantielle des travaux et matériaux, et stockage illégal d’explosifs - des soupçons levés depuis. » Le chantier, lui, reste fermé jusqu’à nouvel ordre. « Pour conserver des preuves, et permettre aux experts de mesurer la présence et la qualité des matériaux ». Priorité à la sécurité. Quoi qu’il en coûte. Car, selon l’issue, « les conséquences économiques peuvent être très importantes. »