Attentat : « Merci aux juges d’instruction de venir ici »
Ali Charrihi a perdu sa mère dans l’attentat du 14-Juillet. Il explique pourquoi la rencontre, fin juin, avec les juges d’instruction revêt tant d’importance à ses yeux
Ali Charrihi, 37 ans, agent de sécurité-incendie, fait partie des parties civiles dans l’enquête de l’attentat du 14-Juillet à Nice. Il est convié à une réunion à Nice organisé par les juges d’instruction parisiens. Au moins 250 personnes sont attendues. Le document qui a fixé cette rencontre au 27 juin à la Faculté de Médecine est signé de la main du juge Choquet, l’un des magistrats spécialisés dans la lutte antiterroriste. Les parties civiles qui ne sont pas de la région, notamment les ressortissants étrangers, participeront à une autre réunion à Paris deux jours plus tard. Fatima, 62 ans, mère de sept enfants, grand-mère de sept petits-enfants, a été parmi les premières victimes du terroriste de la promenade des Anglais. « Une femme des douanes, en civil est venue m’aider, raconte Ali Charrihi. Elle a pratiqué un massage cardiaque pendant que je faisais un point de compression. Ma mère est morte dans mes bras. »
« Un soulagement »
« Comme la plupart des gens, je ne connais rien à la procédure pénale, précise Ali Charrihi. Savoir que les juges d’instruction viennent à notre rencontre pour faire le point sur l’enquête est un soulagement. J’y vois aussi une forme de politesse, de respect vis-à-vis des familles. » Me Philippe Soussi, conseil, de la famille Charrihi mais également de l’AFVT (association française des victimes du terrorisme) avec Me Antoine Casubolo Ferro, se félicite de cette iniative : « J’ai vécu ce genre de réunion dans le cadre de l’affaire Merah. C’est d’une haute valeur symbolique mais c’est aussi parfois très dur à vivre pour les familles. » L’avocat niçois rappelle que l’objet essentiel de cette réunion « est de donner aux victimes un état précis des investigations », même si les parties civiles ont déjà accès au dossier via leurs avocats. Les cinq juges d’instruction et les services d’enquête de la police ont déjà fourni « un travail considérable », selon Me Soussi. «Mais les investigations sont loin d’être bouclées. »
Contre l’obscurantisme
« Répondre à l’invitation des juges, c’est rendre hommage à leurs efforts dans la recherche de la vérité. Ils font, en secret, un énorme travail », Ali Charrihi qui évoque avec beaucoup de pudeur les mois post-attentat. Il était avec sa femme, ses enfants et sa mère sur la promenade des Anglais quand le camion a semé la terreur et la mort. « Au début il y a de la colère, ensuite de la tristesse puis, petit à petit, on retrouve l’énergie de changer les choses. » Dans la famille Charrihi, tout le monde n’a pas la force de caractère d’Ali : « Mon père, après quarantetrois ans de mariage, a du mal. Certains membres de la famille se referment sur eux-mêmes. D’autres vont de l’avant. » Sa soeur Hanane a publié un livre témoignage Ma mère patrie, avec Elena Brunet aux éditions La Martinière. Ali Charrihi, à ses heures perdues, travaille dans le quartier de l’Ariane avec des adolescents « pour leur éviter de tomber dans l’obscurantisme, le sectarisme ». « Beaucoup de mères célibataires sont débordées et ne voient pas que leur fille ou leur fils est en train de basculer. »