Ferrand se défend, l’opinion reste critique
Richard Ferrand, visé par des soupçons de favoritisme, a une nouvelle fois exclu hier de démissionner, tandis qu’Emmanuel Macron a appelé le gouvernement à la «solidarité», estimant aussi que la presse ne doit « pas devenir juge ». « Oui, je suis un homme honnête », a clamé le ministre de la Cohésion des Territoires, une semaine après les premières révélations concernant une opération immobilière des Mutuelles de Bretagne, dont il était alors le directeur, impliquant sa compagne. « Tout ce que j’ai fait dans ma vie professionnelle est légal, public, transparent », a assuré sur France Inter M. Ferrand, soutien de la première heure d’Emmanuel Macron et candidat aux législatives, s’estimant visé en tant que tel. Démissionner ? «Je ne le ferai pas pour deux raisons: d’abord j’ai ma conscience pour moi, je ne suis pas mis en cause par la justice de la République que je respecte profondément, et [...] je veux me consacrer aux priorités de mon ministère », a-t-il répondu.
« Malaise perceptible »
Il avait une nouvelle fois reçu le soutien mardi soir d’Edouard Philippe, qui avait toutefois pointé « l’exaspération des Français » devant ces pratiques et rappelé que tout ministre mis en examen devrait démissionner (notre édition d’hier). Le porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner a, lui, reconnu «un malaise perceptible » et s’est dit «favorable» à une éventuelle enquête, «s’il y a des éléments qui conduisent ou la justice, ou la police ou la gendarmerie à penser qu’il faut faire une enquête ». Mais « ce serait profondément injuste» de l’obliger à démissionner, a-t-il jugé, « parce que rien, d’un point de vue légal, n’est reprochable dans ce que Richard Ferrand a fait». Le parquet de Brest avait fait savoir vendredi qu’il n’ouvrirait pas d’enquête, « aucun des faits relatés» n’étant « susceptible de relever d’une ou plusieurs qualifications pénales ». Emmanuel Macron, qui était jusque-là resté muet sur le sujet, à « appelé à la solidarité, la responsabilité» du gouvernement, hier en Conseil des ministres, a rapporté Christophe Castaner, et « rappelé que notre objectif doit être de façon permanente celui de l’exemplarité dans nos actions publiques ». Et l’après-midi, le chef de l’État, en déplacement aux chantiers navals de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), a critiqué en creux les médias, en déclarant que « la presse doit faire son travail de questionnement, de révélation de la vérité, ensuite il y a une justice indépendante en France, qui fait son travail, il ne faut confondre aucun de ces rôles ».
Un sondage accablant
Mais au-delà de la dimension juridique, l’affaire pèse évidemment lourd sur le plan politique. Et sur ce point-là, pas sûr que le chef de l’État soit en phase avec les électeurs. Selon un sondage Harris Interactive pour RMC et Atlantico publié hier, une très large majorité de Français estime que les faits reprochés à Richard Ferrand et Marielle de Sarnez sont « graves » – respectivement 73% en ce qui concerne le premier et 65 % pour la seconde – et qu’ils devraient démissionner du gouvernement – à 70 % et 62 %. Selon la même enquête, 67 % estiment que le gouvernement veut vraiment moraliser la vie politique, comme l’a promis Emmanuel Macron… mais seulement 43% pensent qu’il y parviendra. Pas sûr que le fait d’avoir reporté au14 juin la présentation du projet de loi de moralisation de la vie publique, alors qu’elle devait initialement avoir lieu avant le premier tour des législatives, soit de nature à les faire changer d’avis. 1. La ministre des Affaires européennes, qui est concernée par une enquête préliminaire sur des soupçons d’emplois fictifs en matière d’assistants parlementaires de députés européens. Elle a dénoncé hier «des mensonges» et a déposé une plainte pour «dénonciation calomnieuse» contre Sophie Montel (FN), à l’origine de la procédure. La très proche de François Bayrou et viceprésidente du MoDem, a aussi défendu hier le garde des Sceaux, qui avait retweeté mardi son communiqué: «Il a le droit de s’exprimer sur Twitter en tant que tel, comme citoyen et pas comme ministre. »