Nice, le cas d’École(s)
Après avoir invité Bernar Venet à Versailles, l’ex-ministre de la Culture Jean-Jacques Aillagon assure le commissariat général de Nice 2017. École(s) de Nice. Quatre sites et autant d’expositions pour célébrer au Mamac, à la Villa Masséna, au 109 (Abattoirs) et à la galerie des Ponchettes le 70e anniversaire d’un geste fondateur. Ce geste, c’est celui de trois amis passionnés d’art et de judo qui, en 1947 sur les galets de la Baie des Anges, concluent une partition du monde. Arman choisit la terre, Klein l’infini du ciel et Claude Pascal s’approprie l’air. En 1960, les deux premiers signeront autour du critique Pierre Restany et avec une demidouzaine d’autres artistes, dont le Niçois Martial Raysse, le manifeste du Nouveau Réalisme. En 1977, Ben réunira toute la scène azuréenne au Centre Pompidou pour une grande exposition dont le titre est emprunté au film réalisé par Jean Vigo en 1930 : À propos de Nice. Le même Ben s’amuse aujourd’hui d’avoir surtout vu dans cette École de Nice « des engueulades » et même quelques « croche-pattes ». Tout de même, «c’était positif». Voici donc un point d’étape avec Jean-Jacques Aillagon, à quelques semaines d’une échéance importante dans la candidature de la promenade des Anglais au patrimoine mondial de l’Unesco, qu’il instruit aussi.
Pourquoi cette célébration ?
La discussion entre Arman, Yves Klein et Claude Pascal, en sur une plage de Nice, a produit quelque chose d’une très grande importance dans l’histoire de l’art en France et dans le monde. À tel point qu’en , le Centre Pompidou, pour son ouverture, décidait de consacrer une exposition à l’École de Nice. Quarante ans après cet épisode, il nous semblait intéressant de nous interroger une nouvelle fois sur ces questions. Qu’est-ce que l’École de Nice ? Y a-t-il eu une École de Nice ? Si oui, quel est son périmètre ? Qui en a fait partie ? Quelle a été son influence? Deux étages du Mamac se chargent d’y répondre.
Ces questions n’ont jamais été
vraiment tranchées… à Nice. Elles feront toujours débat car l’École de Nice, pour autant que l’on puisse parler d’école, est singulière. Elle ne repose pas sur un dogme et n’a pas eu de théoricien au sens complet du terme. C’est plutôt, sur un territoire, la démonstration qu’une intensité toute particulière dans le domaine de la création peut conduire à la production d’oeuvres totalement innovantes. Quelques mouvements successifs – Nouveau Réalisme, Supports/Surfaces, Groupe – relevant de pratiques très différentes ont ancré Nice dans une position référente.
Plus les artistes ont de la notoriété, moins ils aiment être attachés à cette École de Nice…
L’Histoire se fait toujours contre la volonté des hommes. Il appartient donc aux historiens de l’art de la décrire. Effectivement, un certain nombre d’artistes devenus célèbres ont parfois eu tendance à réfuter qu’ils avaient pu en faire partie à un moment donné. Ils ont eu dès le début des attitudes extrêmement diverses, si bien que l’École de Nice est un objet de débat. Pour moi, cette question n’a que très peu d’importance. Ce qui compte, c’est de pouvoir constater qu’entre le début des années cinquante et aujourd’hui, Nice a produit, et continue de le faire de manière insolente, un très grand nombre d’artistes animés par la volonté de changer les choses. Beaucoup, dont Ben ou Noël Dolla, continuent d’y avoir de l’influence. Par ailleurs, la Villa Arson est un creuset d’où sont sorties des figures essentielles de la scène contemporaine. Je pense par exemple à Philippe Ramette.
Avant de vous lier à Nice, quelle image aviez-vous de cette école ?
J’ai connu la plupart des artistes de l’École de Nice, au sens historique du terme. Ayant toujours considéré qu’ils avaient été parmi les plus importants du XXe siècle en France, j’ai cherché à renforcer leur reconnaissance internationale. Par ailleurs, je connais bien Martial Raysse, vénéré au Centre Pompidou dont j’ai été le président. Il a récemment été exposé au Palazzo Grassi à Venise, chez François Pinault avec qui j’ai une étroite relation.
Pourquoi Martial Raysse s’est-il à ce point éloigné de Nice ?
Cela tient peut-être à son caractère? Martial Raysse n’a cessé d’aller vers des territoires qu’il n’avait pas encore explorés. Manifestant un désir de retour à la peinture au sens traditionnel du mot, il a eu tendance à répudier ce qu’il avait été dans les années cinquante à soixante-dix. Au point de ne plus se reconnaître lui-même dans la production de cette époque, intimement liée à Nice. Jusqu’au moment où il s’est rendu compte que cette partie-là était la meilleure assise de sa réputation et de sa gloire. Je crois qu’il est un peu revenu sur ce sentiment de distance.
Quelles sont les pièces maîtresses de ce retour à Nice ?
Le Mamac a bénéficié de prêts importants du Centre Pompidou. Je pense encore une fois à Martial Raysse. Mais on y retrouvera toutes les générations qui se sont amarrées d’une façon ou d’une autre à l’École de Nice, jusqu’à Fluxus. Noël Dolla se voit consacrer une exposition spécifique aux Ponchettes, autour de la relation de l’artiste au paysage. Au se déroule une rencontre troublante entre les artistes français de Supports/Surfaces et ceux de la Côte Est des États-Unis. Alors que le Musée Masséna évoque plutôt Nice à l’école de l’histoire. Depuis l’invention du feu sur le site de Terra Amata, il y a ans.