La semaine de Roselyne Bachelot
Mardi
Ceux qui avaient trop promptement jugé que le discours d’Emmanuel Macron devant le Parlement réuni en Congrès à Versailles allait réduire en exercice convenu la déclaration de politique générale du Premier ministre se sont trompés. Le propos du président de la République a cumulé les qualificatifs atmosphériques – au choix : nuageux, gazeux, vaporeux, brumeux – ainsi que les critiques peu amènes sur des parabases longuettes et parfois absconses. L’allocution a eu au moins le mérite de confirmer les réformes institutionnelles annoncées pendant la campagne, et exprimé une philosophie à défaut d’un programme. Edouard Philippe avait donc aujourd’hui un boulevard pour donner du corps à la logomachie présidentielle. Le Havrais a réussi le prodige d’être à la fois concret et évasif. Concret sur des mesures qui pour être courageuses et utiles, tels le paquet de cigarettes à dix euros ou les vaccinations obligatoires, relèvent plutôt d’une communication du ministre en charge du dossier et ne sont pas de nature à redresser le pays. Saluons toutefois l’importance donnée aux thématiques sanitaires, qui ont été quasiment absentes de la campagne électorale. Évasif sur l’essentiel, tant sur le fond que sur le calendrier : la trajectoire des finances publiques, la réforme du marché du travail ou l’éducation. Si l’intervention du Premier ministre n’a pas éclairé les commentaires, le vote de confiance a jeté une lumière crue sur le champ de ruines qui s’étale entre les regards mouillés d’adoration des tenants de « La République en marche ! » et les vociférations injurieuses du sieur Mélenchon. Les Républicains sont à l’encan et sur les élus sous leurs couleurs, seuls ont voté contre. Les centristes sont dispersés façon puzzle entre des députés Modem réduits au rôle de valets d’un pouvoir à qui ils doivent tout, et une UDI réfugiée dans l’abstention sous la bannière de « Constructifs » incapables de leur donner la moindre visibilité. Ne parlons pas du cadavre socialiste qui a émis des votes contradictoires et n’a même pas jugé bon de donner à son groupe parlementaire le patronyme hérité de Jaurès et de Blum. Le Front national – ignorant du fonctionnement de l’Assemblée nationale – n’a pas préempté le temps de parole réservé aux élus non-inscrits. André Malraux disait qu’il n’y avait rien entre les gaullistes et les communistes. On pourrait le paraphraser en constatant que – pour l’instant ? – entre Macron et Mélenchon, il n’y a rien.
Mercredi
Dès l’annonce de la mort de Simone Veil, j’avais, comme de très nombreux
Français, émis le souhait que sa dépouille entre au Panthéon. Quelque temps après, les petitesfilles de notre héroïne avaient souligné que leur grand-mère aurait certainement voulu reposer auprès de son mari Antoine et exprimé leurs réticences devant cette panthéonisation. Le président de la République a tranché avec coeur et élégance ce dilemme et les époux trouveront tous les deux leur place dans la crypte dévolue par la patrie « aux grands hommes »…Fallait-il céder à l’émotion et faire rentrer dans ce lieu sacré un homme fort estimable mais qui n’a pour titre à faire valoir à cet honneur insigne que d’avoir été un compagnon tendrement aimé ? Je me suis souvenue alors du discours prononcé par Aristide Briand quand Sophie, l’épouse de Marcellin Berthelot, fut inhumée au Panthéon au seul motif de sa vertu conjugale. Le ministre de l’Instruction publique avait salué les qualités rares qui permettent à une femme belle, gracieuse, douce, aimable et cultivée d’être associée aux travaux d’un homme de génie… Le temps est donc venu pour un homme de ne pas être reconnu pour ce qu’il est ou ce qu’il fait mais simplement pour être « le mari de ». Antoine Veil était un homme dont le sens de l’humour n’était jamais pris en défaut, et à un interlocuteur qui lui avait demandé s’il était le mari de Simone Veil, il avait répliqué : « Non, c’est elle qui est ma femme ! » Je suis sûre qu’aujourd’hui,
il sourirait malicieusement et tendrement de ces retrouvailles pour l’éternité.
Vendredi
Celles et ceux qui n’avaient pas eu la chance d’assister mardi à la première de Carmen au Festival d’Aix-en-Provence pouvaient en savourer la sulfureuse et décapante lecture hier soir sur France Musique et sur la chaîne Arte. Le metteur en scène Dmitri Tcherniakov nous donne à voir un couple de bourgeois qui tentent de ranimer leur libido défaillante par une psychothérapie qui les mettra à la merci d’une Carmen bourreau et thérapeute, entourée de comparses à l’inquiétante étrangeté. Cette mise en abyme retentit comme une interpellation qui dérange les amateurs d’espagnolades à mantilles et castagnettes, et trouble par sa violence ceux qui, comme moi, se sont trouvés embarqués et enthousiasmés par ce questionnement des codes de la passion et du désir. De toute façon, Carmen étant l’un des opéras les plus joués au monde, l’amateur de classicisme trouvera aisément un spectacle plus conforme à ses goûts. Si la polémique sur cette mise en scène est voulue et attendue, je ne me lasse pas de voir les empoignades sur les performances des interprètes. Nos critiques, musicologues avertis et vieux routiers chevronnés des analyses lyriques, devraient au moins se retrouver dans leurs évaluations.
Eh bien non ! Si la Carmen de la mezzo Stéphanie d’Oustrac fait bien l’unanimité dans l’éloge, le ténor Michaël Fabiano est jugé par l’un « piètre chanteur » ,par l’autre comme ayant « vocalement les reins solides » et un troisième note la maîtrise du fameux si bémol de « J’étais une chose à toi». Quant au chef d’orchestre Pablo Heras Casado, sa direction est jugée «décousue et erratique» alors qu’un autre journaliste – non moins compétent – déclare qu’il pilote sa formation « en virtuose tous circuits » et un collègue salue « un grand chef qui remplit parfaitement son contrat ». Allez vous y retrouver ! Alors, un bon conseil : quand vous allez au spectacle, moquez-vous des avis des gens qui savent et ne vous laissez guider que par la seule chose qui vaille : votre bon plaisir.
Samedi
On finit par se demander à quoi sert le G. Tout va mal à Hambourg. Les Black Blocs tiennent la rue, Donald Trump paie ses inconséquences fanfaronnes par un isolement désastreux, d’ailleurs les Russes et les Américains constatent qu’ils ne s’entendent sur rien, Angela Merkel est fragilisée par la prochaine échéance électorale qui réduit sa capacité à jouer les bons offices, certains membres de l’Union européenne, telle la Pologne, jouent un jeu politique délétère. A part ça, business as usual, les menaces terroristes s’amplifient, le climat s’emballe, les banques n’ont rien appris de la crise de , la guerre commerciale fait rage, le cynisme de la Chine sévit, Kim Jong-un teste un missile balistique en guise de cadeau « aux salauds d’Américains »… Effectivement, pourquoi s’inquiéter ?
« Dans son discours de politique générale, le Premier ministre a réussi le prodige d’être à la fois concret et évasif. »